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ous sommes en 1943, près de Kiev, et le commissaire politique Tchektariov ne sait plus très bien où il en est. Son unité éparpillée, seul sous les bombardements, il lui faut juste un abri, n'importe quel abri. C'est là qu'il rencontrera un soldat allemand qui, lui aussi, fuyait la fureur et le bruit. Sans doute lassés d'un tel déchaînement de violence, les deux hommes vont se ménager un moment de paix et de quiétude, le temps d'une dernière cigarette.
De cette brève rencontre, de cet instant un peu surréaliste qui réunit deux êtres que tout oppose, les deux soldats en ressortiront marqués à jamais. Quelques mots échangés, une simple cigarette fumée ensemble dans cette cave sombre et humide, rien de plus. Et pourtant l'impression d'avoir vécu quelque chose d'inoubliable, un rien de calme à la beauté éphémère. Et qui va les lier pour la vie.
De cette soudaine confrontation, nous voyons le militaire s'effacer pour redevenir un homme, un homme qui n'en peut plus et voudrait simplement retrouver la douceur d'un foyer. Deux êtres qui, finalement, ne savent plus très bien pourquoi ils combattent. Et surtout pour qui. Qu'ont-ils à retirer de cette guerre qui, gagnée ou perdue, ne pourra que les briser?
En faisant de ces guerriers des personnages profondément humains, les auteurs nous forcent à nous poser des questions sur les raisons qui ont pu les pousser à s'enrôler, de gré ou de force. Et on finit immanquablement par se mettre à leur place : sommes-nous vraiment à l'abri de telles dérives ? Alors, les interrogations affluent. Notre belle société occidentale, si fière de sa démocratie et de ses institutions, pourra-t-elle éviter à l'infini le piège de la guerre mondiale ? N'aurait-elle pas tendance à oublier qu'elle fut responsable des deux conflits les plus terribles de l'histoire ? Derrière ces émouvantes cérémonies du souvenir, ne renouerait-elle pas avec certaines idées qu'on croyait mortes et enterrées ? La dernière cigarette est une œuvre qui fait réfléchir et ce n'est pas le moindre de ses mérites. Mais les questions que chacun se posera à la lecture de l'album, selon ses propres doutes et sa propre sensibilité, ne trouveront de réponses que dans l'histoire, une histoire qu'il nous appartient de forger.
Le propos est à ce point sujet à discussions qu'on en oublierait presque de signaler la qualité de l'ambiance de fin du monde que les auteurs nous offrent. Pour illustrer cette impression de mort inéluctable, il fallait un graphisme fort : celui de Marc Botta convient à merveille. La guerre, il la dépeint dans toute sa noirceur : pas de lumière, juste une vague fumée grise et des visages au teint blafard. C'est toute la désolation de ces personnages qui nous fait face. L'après-guerre est peine plus coloré : l'atmosphère est triste, brunâtre, rouillée, comme si la grande machine de l'histoire était grippée à jamais et l'insouciance rien de plus qu'un vague souvenir. Au mieux une utopie qui maintiendra certains debout.
Le dessin très impressionniste de Marc Botta se mêle donc au récit d'Alex Nikolavitch pour donner naissance à un album très cohérent mais qui, on aurait tendance à l'oublier, comporte tout de même quelques points négatifs. Si le graphisme et l'ambiance qui en découle sont décidément irréprochables, le scénario s'encombre de plusieurs longueurs qui nuisent parfois à la fluidité de la lecture. Et c'est d'autant plus frustrant que la rencontre entre les deux soldats, qui est sans conteste le point d'orgue de l'album, est trop vite écourtée pour permettre aux acteurs de nouer un véritable dialogue. Il aurait été agréable de s'attarder avec eux dans leur maigre havre de paix. On pourrait alors le voir comme une frustration inévitable pour vraiment mettre en exergue la fragilité de la paix des hommes mais, dans ce cas, ce moment clé vient peut-être un peu tôt.
J'en suis en tout cas ressorti partagé entre le sentiment d'avoir lu un livre fort, et de toute façon réussi, et l'impression d'être passé à côté d'un chef d'œuvre en puissance.
Une histoire courte sur la folie de la guerre. L'histoire de 2 hommes fatigués de se battre. Les dessins sont à la fois grossiers mais inondés de petits détails. Les planches sont sépia monochromatiques pour accentuer le dramatisme. Le ton est d'une extrême mélancolie. Se lit vite et laisse à réfléchir.
Un conte philosophique sur l’absurdité de la guerre traité de manière très simple de la part du scénariste mais qui au final fait réfléchir. Ca se lit aussi très vite. Il y a à la fois beaucoup de mélancolie et de compréhension entre ces deux soldats ennemis ( un russe et un allemand ) qui n'en peuvent plus de combattre. Le dessin très flou, nébuleux décrit très bien cette période sombre et violente de l’histoire (guerre 40-45). Une belle réalisation de la part des auteurs.