À la des années 1960, Londres n'a d'yeux que pour «Septième Ciel», un groupe de «Super-Humains». Après avoir servi les intérêts de leur gouvernement, ils s'émancipent en refusant notamment d'aider les U.S.A dans la guerre du Viêt-Nam. En pleine époque Hippie, le groupe implose, certains meurent ou disparaissent, d'autres tombent malades et perdent leur pourvoir.
1997, Zenith a 19 ans, égoïste, fêtard, immature et insolent par moments, il ressemble à tous les adolescents de son âge ; enfin, à presque tous. Il essaie de chanter et a même un petit succès... qu'il doit a son ascendance particulière : Zenith est le fils d'anciens de «Septième Ciel», il est par la même le dernier Super-Humain ! Enfin, c'est ce que tout le monde pense...
Issu de 2000 AD, le mythique hebdomadaire britannique qui a vu naître (entre autres) Judge Dredd, Zenith fait partie des toutes premières œuvres de Grant Morrison (avec Animal Man) et Steven Yeowell.
Après Zoids (pour Marvel avec le même scénariste) c'est via cet album, découpé en quatre «livres» (et quelques interludes), que les lecteurs du magazine découvrent et suivent le dessinateur de The Red Seas. Reprenant le flambeau de Brendan McCarthy - qui a conçu la plupart des personnages - il exerce son talent par un noir et blanc limpide, ciselé pour construire des cases pleines de mouvement. Peu avare en détails et utilisant un découpage qui accompagne parfaitement le rythme des séquences - classique pour les dialogues ou les moments calmes, plus novateur et varié lors des scènes d'action - il livre des planches réussies. Et même une lisibilité moins aboutie lors des combats ne viendra pas ternir la bonne impression générale.
À l'orée de sa (prolifique) carrière, les qualités de conteur, toujours en recherche de contre-pied, de Grant Morrison sont déjà évidentes. Alors, lorsqu'il s'attaque à un récit de super-héros cela débouche évidemment sur un traitement radicalement différent de ce qui se fait à l'époque (ce titre a été publié pour la première en 1988). Ancrant son récit dans la réalité - les années Thatcher, l'émergence de la Pop et la géopolitique de l'époque - l'auteur écossais introduit des thématiques qui le suivront longtemps : le héros déchu, la folie, le fantastique... Ainsi, le monde qu'il construit s'est remis de la seconde Guerre Mondiale en étant orphelin de «Septième Ciel» mais surtout de Maximan (mélange plus ou moins subtil de Superman et de Captain American version anglo-saxonne). Le danger, lui, prend les traits d'entités d'autres dimensions, directement issues des influences lovecraftiennes (Cthulhu, Yog-Sothoth/Iok Sotot).
Voilà pour le cadre. Concernant les protagonistes, plutôt qu'un sauveur, fier et galvanisé par des pouvoirs qu'il assume au fur et à mesure, l'adolescent décrit est le digne représentant de la Génération X : apolitique, en rupture avec ses parents, comme le système, la société. Il est, de plus, perclus de contradictions (puisqu'il profite de cette même société pour sa notoriété) et insensible au sort de ses congénères. De plus, l'opposition de différentes générations de super-humains marche à plein et permet au scénariste d'explorer la condition de héros sous divers angles. D'un côté, celui qui ne veut pas de cette responsabilité et l'endosse contraint et forcé : de l'autre, des sauveurs rentrés dans le rang, oubliés ou désabusés. En quête de reconnaissance sociale, livré à l'alcool, en fuite ou prisonnier, quasiment toutes les possibilités de «retraites» sont balayées, comme leurs turpitudes et leurs questionnements. Enfin, alors que le premier acte du livre souligne la puissance du jeune homme et ses réelles aptitudes lors de l'affrontement avec Masterman (le méchant - nazi - de service), la seconde partie s'attache à revenir sur la genèse de ces pouvoirs, et la véritable importance que l'adolescent revêt. Seul bémol, le scénariste en rappelant la persistance de la menace et ouvrir sur la suite (les livres III et IV composeront le tome deux) ne se limite pas aux multivers et laisse apparaître certains des travers qui lui sont aujourd'hui reprochés : trop lyrique, trop abstrait, trop conceptuel pour demeurer pleinement efficace.
Zenith n'est pas exempt de défauts et aurait certainement gagné à être moins dispersé (une réserve récurrente sur les œuvres de Grant Morrison) mais l'inventivité, la puissance graphique et la facilité avec laquelle le lecteur se trouve embarqué sont tels qu'il est impossible de ne pas en apprécier l'essence. Un titre marquant qu'il est plaisant de voir réédité aujourd'hui.
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