S
hodo... une petite île que beaucoup ont relégué au fin fond de leur subconscient. En effet, sa population est composée uniquement des pires criminels de la société. Au fil du temps, une véritable organisation s'y est créée avec pour seule loi, "celui qui entre ne sortira jamais". Mais voilà que soixante ans plus tard, le vol d'un dangereux médicament encore en test dans la grande cité démontre que la règle a été transgressée, car le suspect ne peut venir que de ce lieu maudit. Le fragile équilibre vacille.
Le coréen Hyung Min Woo est connu pour sa série torturée Priest. S'il conserve une veine mystique qui rendait son œuvre précédente assez hermétique, le scénario est ici beaucoup plus accessible. Il s'agit de guerre des clans, de stratégie du plus fort mais aussi de politique retorse. Si de prime abord, Ghostface ressemble à un manhwa d'action classique, frontale, force est de constater que l'intrigue est plus subtile, servies par des dialogues de bonne qualité. Les premiers chapitres servent de présentation des lieux et des enjeux pour ensuite entrer pleinement dans le vif. Le pari risqué de ne pas avoir de héros à proprement dit fonctionne dans la mesure où ceux mis en valeur sont relativement intéressants, les autres servant de prétexte à des duels endiablés. Du folklore asiatique est enchâssé dans la violence brute, rendant originales les scènes de combat. L'équilibre entre action et réflexion est réussi. Une certaine poésie mélancolique se dégage par moment, spécialement quand la mystérieuse Naomie entre en scène. Les tenants et aboutissants de l'intrigue se dévoilent au fur et à mesure de la lecture, entretenant le suspens, pour se clore sur une fin ouverte.
Visuellement, le trait fin et nerveux de l'auteur est très esthétique. Le design des personnages s'inspire des années quatre-vingts (Albator, Cobra)) avec des silhouettes longilignes et des muscles apparents. La gent féminine n'est pas en reste, avec des corps bien sûr parfaits et généreusement proportionnés ! Les arrière-plans sont plutôt recherchés et se chargent, avec les couleurs, de créer une ambiance de méfiance et de danger omniprésent. Le découpage est dynamique, la lecture fluide.
Pour les lecteurs ayant connu la première édition de deux épisodes chez Kantik (2009), un regret persistera car le passage du grand au petit format et du papier glacé au papier mat a tendance à ternir et assombrir la colorisation. Dommage, car elle fait partie des points forts de l'ouvrage. Au final,Ghostface ne brille peut-être pas par son scénario mais par son atmosphère particulière mêlée de spleen et le graphisme, les deux véritables atouts de Hyung Min Wo.
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