A
ntoine est propriétaire du Rallye, un zinc comme on en trouve au cœur de tous les quartiers populaires. Il emploie Nabila, la serveuse cocue, et Akim, lequel se prend pour le vigile, mais comme il est malade, les autres veillent sur lui. Puis il y a les clients. Sandrine, la malchanceuse, Aminata qui a rencontré un mec bien, José le délinquant abonné à la prison ou encore Driss, le petit truand qui se fait un peu d’argent. En tout ils sont une bonne vingtaine à graviter autour de ce bar. Sans oublier Sergio et Julie, assassinés de sang-froid un soir d’embrouille. On ne parle pas trop d’eux, même s’ils sont omniprésents. Dans cet univers, les existences banales se croisent et se décroisent pendant que se tisse une histoire malheureuse.
L’auteur demeure en retrait pour observer cette faune. Chacun des chapitres est dominé par un personnage différent. Ainsi, par courtes séquences en apparence sans lien, il construit son récit. Tout cela conduit certes au drame, mais fondamentalement ce n’est qu’un prétexte pour présenter un quartier, les gens qui vivent et y survivent. Dans ce cadre, la trame policière est accessoire. En terminant l’album, le lecteur ne sait d’ailleurs pas trop qui a commis le double meurtre. Par contre il se souvient d’un climat que l’auteur a rendu de belle façon.
Les lavis de Pierre Place, qui signe également le scénario, contrastent avec la structure de l’ouvrage. Alors que le livre est sagement divisé en courts chapitres, chacune des planches est constituée de quelques dessins qui se bousculent : petites et grandes illustrations, champs/contrechamps, plongées/contre-plongées, plans d’ensemble et portraits. Les scènes sont par ailleurs rarement contenues dans des cases, un peu comme s’il était vain de retenir une bande de marginaux dans des carrés. En apparence désordonnée, la composition est pourtant harmonieuse et d’une agréable lisibilité, pour qui prend le temps d’observer ces habitants du XIXe arrondissement parisien.
Un regard sociologique sur un lieu qui n’est plus vraiment la zone, mais qui n’est pas encore colonisé par les bobos.
Au Rallye est un bar d'un quartier populaire du 19ème arrondissement parisien. C'est le centre de vie de ce roman graphique. On va avoir droit à de multitudes d'histoires urbaines contant les tranches de vie des clients au milieu de la misère. C'est une vraie chronique sociale entre humour, déception, opportunité et embrouilles ...
Ca fait un peu histoire d'ivrogne de comptoir. Cependant, je me réjouis qu'il existe encore des lieux de vie et de convivialité où les gens peuvent encore se rencontrer au lieu de s'isoler dans des soirées TV abrutissantes ou pire encore jouer à des jeux vidéos débiles. Les bars ont beaucoup perdu de leur clientèle ces dernières années à cause de cette concurrence qui traduit tout simplement un repli de la société sur elle-même. Leur fermeture sont autant de déchirement au coeur ...
Ce qui m'a séduit dans le dessin et dans le graphisme, c'est qu'on a l'impression d'avoir à faire à un Will Eisner à la française. Je n'avais jamais encore vu cela. C'est très manifeste jusque dans la même mise en page. Je ne dis pas que c'est carrément reproduit honteusement. Je pense que c'est intéressant de s'inspirer d'un style d'un auteur qui a marqué la bande dessinée. Le résultat est intéressant.
A ma grande surprise, ce titre fait tout de même partie de la sélection officielle du Festival d'Angoulême 2010.
Chroniques de quartier, dans lequel le bar « Le Rallye » constitue un centre névralgique. Le dessin à l'encre est soigné, sans distinction majeure. Mais le découpage sans vignette, où dessins et textes flottent librement, permet à l'esprit de prendre des libertés de lecture. On s'attache aux personnages, malgré leurs travers. On ne comprend pas forcément ce qui mène à la fin mais ce n'est pas ça l'important.
On est en plein quotidien de la banlieue, ou d'un endroit pas très favorisé par l'économie, avec ses voyous, ses paumés, ses immigrés de toute origine,... Un mélange humain riche et détonnant bien décrit par l'auteur.
En bref, un livre sympathique, une bonne analyse sociologique et un graphisme agréable.