C
omment s'épanouir dans un bureau sordide avec un patron sans cesse sur son dos ? Et lorsqu'à la maison ce n'est pas mieux, que votre fils (adoptif... ), en pleine crise d'adolescence, ne vous connaît pas ou que votre femme pense à vous plaquer ? C'est le quotidien de D4ve, ancien soldat d'élite reconnu et respecté, véritable machine à tuer, qui a dû se reconvertir faute d'ennemis. Il n'en peut plus et ne sait pas comment tout cela va finir, mais, peut-être que le ciel lui apportera un peu d'aide.
Avec D4ve, Ryan Ferrier et Valentin Ramon exposent pour la première fois leur travail dans nos contrées. Alors qu'actuellement IDW publie un second tome outre-atlantique, les éditions Ankama proposent de découvrir un drôle de mélange de satire et combats dans un décor de science-fiction.
Pour accrocher le public, le scénariste mise sur des dialogues percutants et le décalage entre la nature de ses personnages, des robots, et leurs comportements singeant celui des humains : jeux vidéos, travail, crise conjugale ou d'adolescent... le panel est large et rappellera des souvenirs à de nombreux lecteurs. En effet, les robots ont remplacé les hommes sur Terre mais aussi dans leurs travers. Évidemment, cela débouche sur certaines situations cocasses, comme lorsque leur héros se retrouve coincé dans les embouteillages et qu'il «pète les plombs», prenant alors des airs de William Foster (Chute libre en 1993). D4ve est au bord de la rupture, et même s'il fait preuve d'un cynisme à toute épreuve, sa vie lui pèse, tout s'effondre autour de lui et la crise de nerfs n'est pas loin avant que le destin - et l'invasion extraterrestre - ne lui donne l'occasion de reprendre espoir - et son rôle de guerrier. Ainsi, l'auteur pointe la vacuité de cette existence - et par la même occasion, un peu les nôtres - étouffée par le poids des contraintes, dommage toutefois que le propos tombe quelque peu dans la facilité. La critique de nos sociétés consuméristes et aliénantes est un peu trop appuyée pour être convaincante et le propos hésite avec la grosse rigolade quand arrive l'heure de la baston. Le langage, parsemé de leet (1337 pour les puristes), est fleuri, les répliques fusent mais l'humour n'est pas toujours de très bon goût. Au final, cela donne un ton faussement irrévérencieux qui fera rire autant qu'il lassera.
Coté graphisme, Valentin Ramon montre de belles dispositions pour créer un univers original. En ce sens, les décors urbains autant que les créatures - du plus vilain extraterrestre à la plus mignonne des montures - sont une réussite. Mais, malgré un trait efficace, certaines scènes de combat souffrent d'un manque de clarté. En effet, la mise en scène paraît, par moments, hésitante et la lisibilité en pâtit. Enfin, il opte pour une colorisation travaillée, qui dénote de la production habituelle. Les tons utilisés, assez ternes, donnent au récit une ambiance «futuro-rétro» (les tapisseries sont d'un goût... très années 80 !) qui contribuent au ton comique.
Si l'idée de départ est intéressante, la réalisation entre deux eaux manque de punch pour y adhérer totalement. Une œuvre au ton original pour un genre éculé qui, à défaut d'être marquante, fait passer un bon moment aux fans d'action et de second degré.
Poster un avis sur cet album