1982, Serge Tisseron fait paraître un petit article passant les Aventures de Tintin sous l’œil du psychanalyste. Il met particulièrement en lumière un trait commun revenant dans plusieurs albums : il y a un ou plusieurs éléments sous-jacents posant la question du père. Hergé aurait consciemment ou inconsciemment tenté d’exprimer quelques traumas dans son travail. Lesquels ? Mystère, mais le médecin en est certain, il y a quelque chose. En 1987, dans Hergé – portrait biographique, Thierry Smolderen et Pierre Sterckx révèlent que la grand-mère de l’artiste était une fille-mère de jumeaux (le nom du père est toujours inconnu à ce jour) et qu’elle avait été placée comme bonne à tout faire chez une baronne proche du roi Léopold II, cette dernière prenant également sous son aile les deux enfants. Tisseron trouve là la clef à ses spéculations ! Cet anathème familial inavouable se serait glissé dans les tribulations du reporter à la houppe et de ses compagnons.
Tintin et le secret d’Hergé fait partie de cette multitude d’ouvrages décortiquant l’appareil hergéen avec le plus grand sérieux. Souvent le fruit d’enthousiastes pour qui la série fut un élément majeur de leur enfance, ces traités soulignent, s’il le faut encore, l’impact que le titre a pu et continue d’avoir auprès de ses lecteurs. Dans le cas présent, Tisseron met ses connaissances professionnelles au service de sa passion et pose une grille de lecture rigoureuse sur la collection. L’enquête est minutieuse, parfaitement organisée et soulève plusieurs points pertinents, ainsi que d’autres plus nébuleux. Même s’il est parfaitement conscient des limites de son approche et des nombreuses zones d’ombre impossibles à éclairer, il donne également l’impression de seulement favoriser ce qui nourrit ses conclusions en passant sous silence ce qui n’y entrerait moins. Résultat, sincèrement convaincu (ou ébloui) par ses «trouvailles», son diagnostic se révèle un peu trop indubitable pour être totalement raisonnable.
On ne peut nier le fait que les artistes soient influencés par leur histoire familiale, par leur entourage et par leur environnement en général. Le célèbre dessinateur d’Etterbeek n’est certainement pas différent et a évidemment subi l’ascendance volontaire ou non des siens. Par contre, en faire la pierre angulaire de toute une œuvre paraît exagéré. Toujours étant, Serge Tisseron, lui, en est persuadé et il le démontre élégamment, à défaut d’être pleinement probant.
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