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ix ans après Wilson, Daniel Clowes revient avec Patience, une ambitieuse histoire mêlant polar, romance et voyage dans le temps. L’auteur de David Boring étant ce qu’il est, il dresse également une sombre fresque du genre humain, américain plus particulièrement, peuplée de personnages névrotiques à qui la vie ne fait pas de cadeau.
Ce n’est pas la première fois que Clowes s’aventure dans la science-fiction. Si le très lynchien Comme un gant de velours pris dans la fonte lorgnait plus vers le fantastique gothique et Le rayon de la mort vers le pastiche de superhéros, Patience s’avère plus conventionnel dans la forme. Jack Barlow tente de retrouver l’assassin de Patience, sa fiancée. Au fil de son enquête, il tombe sur une machine à voyager dans le temps et imagine immédiatement de l’utiliser pour empêcher le crime de survenir. Évidemment, les choses se compliquent quand l’appareil se détraque, que le carburant vient à manquer et que l’inventeur du dispositif lui (re-)tombe sur le paletot pour récupérer son bien. Les amateurs de René Barjavel ou du film Looper devraient apprécier. Parfaitement au point, le récit est finement construit. Très affûté, le scénariste connaît ses classiques et a bien fait attention d’éviter les paradoxes et de refermer toutes les boucles temporelles.
Braves gens maltraités par l'existence et une société brutale envers ce qu’elle considère des «perdants», comme à son habitude l'auteur n’est pas tendre avec ses contemporains. De plus, il n’offre que peu d’espoir pour une amélioration. Jack, le repenti sincère qui se bat pour s’en sortir, devient rapidement un limier sans foi ni loi prêt à tout pour arriver à son but. Angoisse sur le fait de devenir père, peur d’un pays peuplé de mystificateurs et de manipulateurs, sentiment d’impuissance face à la réalité, l’album reprend des thèmes chers à l’artiste, heureusement, sans aucune redite. En effet, l’écriture dramatique sans pathos et une certaine universalité des propos rendent la lecture, certes peu guillerette, mais prenante et inquiétante.
Ouvrage maîtrisé du début à la fin, Patience met à bon escient toutes les possibilités de l'anticipation au service d’un discours social et moral guère optimiste. À la fois classique et moderne, Daniel Clowes réalise là un impressionnant tour de force narratif.
Univers à la fois réaliste et irréel. La vengeance d'un meurtre, celui de Patience, par le retour dans le passé de son compagnon pour changer le déroulement du temps et des évènements.
C'est assez hypnotique et cela convient parfaitement au dessin "figé" de Daniel Clowes.
Je me suis laissé emporter par cette histoire improbable et pourtant diablement réaliste.
Le livre est beau, dense, très structuré et suffisamment long pour permettre au plaisir de lire de grandir.
Je ne connaissais pas Daniel Clowes, c'est donc par hasard que j'ai fait l'acquisition et lu cette BD.
Commençons par le livre, c'est qualitatif, 180 pages de beau papier epais et mat, une belle couverture légèrement pailletée et un dos toilé.
Ensuite le dessin, assez surprenant, avec des couleurs qui rappelle Roy Liechtenstein.
Curieusement ce n'est jamais criard ou inutile. Les dessins sont particuliers mais sans erreurs, des décors simples mais complets. Certaines grandes cases invitent même à s'attarder.
Concernant le scenario, c'est plutôt réussi, aussi bien dans l'ambiance que dans la trame.
C'est une BD difficile à faire tourner (prêter) mais que je vais conserver car je sais qu'il y aura de nouveau lecture dans quelques années.
Mon premier Clowes, car à force de voir la Hype, ça donne envie. C’était génial ! Directement mon thème favori, le voyage dans le temps, mais traité de manière originale et décalée.
Jamais je n'aurais pensé que je pouvais mettre un jour un 4 étoiles à une oeuvre de Daniel Clowes. Oui, je sais bien qu'il est un des grands auteurs du comics américain et que sa réputation est déjà bien bâtie. En règle générale, je n'ai pas vraiment aimé la moindre de ces bds à l'exception toutefois de celle-ci.
Que s'est-il passé ? Il y a sans doute moins de folie, de choses psychédéliques même si le dessin pousse parfois à quelques délires. Il y a toujours ce clin d'oeil aux couleurs du champignon d'Hergé. Il y a surtout un scénario qui semble tenir la route.
On a sans doute tous perdu un être cher dans notre vie. Si on pouvait utiliser une machine à remonter le temps, on essayerais sans doute de protéger l'être que l'on aime par tous les moyens quitte à défier les lois de la physique. J'ai sans doute beaucoup aimé ce thème qui m'est cher.
Faudra t'il avoir de la patience ? Pas forcément à cette lecture.
La première chose qui frappe dans cet album atypique est le contraste tranchant entre la forme désuète, vintage, saturée de couleurs chère à Clowes et la brutalité du scenario, sec et anxiogène.
Il met en scène un homme ordinaire prêt à tout, y compris tenter un voyage dans le temps et occire les gêneurs, pour sauver d’une mort certaine celle qu’il aime plus que lui-même.
L’aspect purement SF est évacué assez finement, notre héros profitant pour ses sauts temporels d’une formule à laquelle il ne comprend rien... (et nous non plus, donc, puisque l’histoire est racontée de son point de vue).
Reste une quête éperdue, celle d’un homme en proie à l’incompréhension, l’impuissance et le chagrin, surmontant petit à petit ses propres faiblesses pour finir par toucher du doigt une rédemption rendue soudainement possible par cet impensable biais du destin.
Un BD brillante mais trop singulière pour que je me risque à la recommander à tout venant.