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uyane française, 1923. Cela fait plus de dix ans qu’Eugène Dieudonné, un sympathisant libertaire condamné pour un crime qu’il n’a pas commis, purge sa peine. Arrivé pour une série de reportages, le légendaire Albert Londres rencontre le détenu à plusieurs reprises. Alors qu’il se prépare à dénoncer les horreurs du bagne, il se prend d’amitié pour cet homme franc et certainement innocent.
Patrice Perna et Fabien Bedouel reprennent la formule de fiction historique qui avait si bien fonctionné dans l’excellent Kersten, médecin d’Himmler. En effet, les hommes, les lieux et une bonne partie des faits décrits dans Forçats se sont bien déroulés. En outre, le bagne de Cayenne et l’affaire Dieudonné ayant été largement médiatisés et documentés, le scénariste n’a eu que l’embarra du choix pour tisser son récit. Malheureusement, les nombreux retours en arrière et certaines scènes obligées, pour ne pas dire forcées comme la longue tentative d’évasion qui débute l’ouvrage, par exemple, rendent la lecture très inégale et presque confuse. Est-ce un récit d’aventure ? Didactique ? Militant ? Toujours à la frontière des genres, Dans l’enfer du bagne tangue d’un bord à l’autre, sans jamais se décider. La qualité d’écriture n’est pas en question, Perna maîtrise parfaitement son sujet, simplement, dans l’enthousiasme, il donne l’impression d’en avoir trop «mis» dans le cadre donné.
Le dessinateur a changé de plume et, dans une certaine mesure, de style pour montrer les affres de cette prison à la si terrible réputation. Le trait, plus dense et plus plein que dans ses albums précédents, rappelle agréablement Brüno ou même Philippe Berthet par moments. L’ambiance est constamment lourde et pesante, comme seul peut l’être le soleil brûlant à l’équateur. Les excellentes couleurs de Florence Fantini renforcent également l’atmosphère étouffante dans laquelle se débattent constamment les protagonistes. L’immersion est totale et très bien mise en scène.
Œuvre généreuse et angoissante, ce premier volume de Forçats impressionne au premier abord, mais peine à convaincre totalement sur la longueur. Il offre néanmoins un excellent témoignage sur d'intolérables pratiques carcérales pas si anciennes.
Je m'attendais à lire un documentaire comme indiqué sur la fiche mais ce n'est pas vraiment un reportage mais plutôt une aventure tirée de faits malheureusement réels. Il s'agit en fait d'une dénonciation des pires conditions pénitentiaires de notre pays à savoir des bagnes de la Guyane (1846-1936).
Tout autour de moi, la majorité des gens que je côtoie pense qu'il faudrait rétablir la peine de mort même pour les enfants à partir de 16 ans, qu'il faudrait que les prisons cessent d'être des hôtels de luxe pour détenus avec la TV et les portables, qu'il faudrait revenir au temps de Cayenne et des forçats. En réalité, cela reflète la majorité de l'avis populaire. Je n'y souscris point sans avoir la mentalité d'un intellectuel parisien bien-pensant trop éloigné des réalités de la nature humaine.
Quelle que soit la nature des crimes qu'ils ont commis, les hommes ne méritent pas le traitement qu'on leur inflige et qui les prive de toute humanité. La République se montre parfois très indigne. Il faut le courage d'opinion de ce journaliste avec ce regard avisé qui va essayer de démontrer que Cayenne est marquée par le sceau de l'ignominie. Il faudrait sans doute recommencer de nos jours mais il est vrai que cela avait atteint des proportions bien plus néfastes dans ce département français au bout du monde.
Il y a un parti-pris graphique assez étonnant avec ses ombrages appuyés et cette encre noire prédominante. Cela donne un ton résolument sombre et sobre à la fois. Après le fameux Kersten, médecin d'Himmler, le duo d'auteur frappe encore très fort.
Porter la plume dans la plaie ! L’écrivain Albert Londres se rend en Guyane pour faire un reportage sans concessions sur le bagne. Il s’intéresse au forçat Dieudonné, déjà coupable de deux évasions, et injustement enfermé pour avoir appartenu à la bande à Bonnot. Ce qu’il nie ouvertement. Mais le destin va lui permettre d’effectuer une troisième évasion avec, bien malgré lui, Albert Londres. Mais nous en saurons plus dans le tome 2.
La vie du bagne est décrite dans toute son horreur. Tous les principes de base de sa création sont bafoués par des hommes sans vergogne qui ne valent guère mieux que leurs détenus. Les humiliations par le directeur, les gardes ou les « portes-clés » qui sont les bagnards les mieux vus par la direction, sont le quotidien de ceux venus payer leur dette à la société. Cette BD relate de belle manière la vie au bagne bien avant l’histoire d’Henri Charrière dit Papillon.
Si vous aimez l’univers graphique de Tyler Cross, rentrez à fond dans celui de forçats qui lui ressemble énormément. Fabien Bedouel, déjà dessinateur de « L’or et le sang », nous livre encore un super travail. Bravo l’artiste.