1928. Bruce Wayne est à la tête d’une expédition en Antarctique, à la recherche des membres de la mission Cobblepot, qui ne donnent plus signe de vie. Le navire est retrouvé. Les hommes sont morts ou disparus. Le chef est repéré, mais il s’enfuit. Un certain Grendon est retrouvé au fond d’une grotte, tentant de libérer un monstre de la glace. Le marin, devenu fou, sera enfermé dans la cale. Quelques bâtons de dynamite sont censés ensevelir définitivement l’entité aperçue. De retour au manoir familial, Wayne trouve un cadavre, premier pas d’une aventure qui va libérer monstres, nécromanciens et calamités sur Gotham City.
Mike Mignola, créateur de Hellboy, ose la rencontre entre l’univers de Batman et celui de Lovecraft. Ce dernier est d’ailleurs mis à l’honneur par les publications récentes : plusieurs titres de la collection 1800 de Soleil s’en emparent, ainsi que le duo Alan Moore et Jacen Burrows, avec Neonomicon et Providence. Pour rappel, Howard Phillip Lovecraft (1890-1937) a laissé une œuvre, mêlant fantastique et horreur, dans laquelle, au fil de nouvelles ou de courts romans, il a créé une mythologie riche, dont le potentiel semble inépuisable. Bien des écrivains ont poursuivi l’œuvre. La bande dessinée n’est pas en reste.
Là, il s’agit avant tout d’un roman graphique qui interroge Batman et sa famille. Dans la chronologie du héros, Mignola pose cet épisode au commencement du personnage, puisque c’est la confrontation avec Cthulhu et ses sbires qui amène Bruce Wayne à devenir l’homme chauve-souris. Ainsi, avec cohérence et fluidité, Mignola fusionne deux genres, le comics made in US et la littérature fantastique américaine du début du vingtième siècle. La prouesse narrative est incontestable.
Le dessin de Troy Nixey est un régal. Son choix s’est porté sur une représentation sombre du héros et sur l’esthétique gothique de la ville tentaculaire. Voûtes, cintres et autres gargouilles inondent les cases et créent une ambiance propice à l’émergence de la noirceur et de la peur. L’artiste excelle aussi bien dans les bestiaires (monstres de l’histoire, mais aussi trophées de chasse ornant la demeure d’Oliver Queen ou reptiles qui envahissent la ville) que dans les panoramas urbains. Figé quand il le faut, dynamique lorsque c’est nécessaire, le graphisme emprunte nombre d'éléments à l’écriture cinématographique.
L’entreprise était audacieuse et risquée ; les auteurs s’en sortent parfaitement. Les puristes – ceux qui ne supportent pas les cross-over – n’adhéreront pas à cette initiative. Les amateurs aventureux y trouveront une lecture personnelle et pertinente d’un univers dont certains pensaient peut-être avoir fait le tour, mais qui s’ouvre régulièrement à de nouvelles interprétations.
Dans un univers alternatif (elseworld en VO), et en trois épisodes scénarisés par Mike Mignola et Richard Pace, Batman rencontre tout ce que Gotham compte comme créatures fantastiques et démoniaques (Batman: The Doom That Came to Gotham 2000, #1-3 et Batman: Legends of the Dark Knight 1989, #54).
Il faut le dire d’emblée, ce n’est pas du tout l’album de Batman auquel on a habituellement affaire. Point d’enquête, de vilains mafieux ou d’affrontements super-héroïques, nous sommes loin des fondamentaux et seule la frange fantastique de l’immense univers de Batman est ici exploitée. On navigue donc entre le fantastique, l’occultisme ou le religieux, à réécrire l’histoire de Gotham, de la famille Wayne et d’une obscure une menace ancestrale ; des sujets qui, à mon sens, n’ont pas de raison d’être dans Batman – autant lire Hellblazer si l’on est fan – et qui ne poussent pas à m’intéresser plus que ça à cette lecture. On peut certes y voir un hommage à l’univers de Lovecraft, mais encore faudrait-il bien connaitre l’auteur (qui ne se résume pas à de grosses bébêtes).
Du côté du dessin, c’est la "tromperie" habituelle : Mignola se charge de réaliser de jolies couvertures tandis que les intérieurs n’ont que peu de rapport avec celle-ci. Le dessin de Troy Nixey – un illustrateur inconnu dont la seule publication en VF est Jenny Finn – est quelconque, ses visages sont souvent moches et on peine à reconnaitre Batman et les personnages habituels du Batverse...
Ces trois épisodes sont suivis de Sanctuaire (Sanctum en VO), un numéro publié en 1993 dans la série "Legends of the Dark Knight". Illustré par Mignola, il s’agit donc là d’une nouvelle incursion de l’auteur sur Batman après le one-shot "Batman: Gotham by Gaslight" sorti en 1990. Toutefois, l’histoire est encore portée sur l’ésotérisme et, bien qu’elle suive de peu les débuts de Hellboy et que l’on y reconnaisse déjà le trait de Mignola, il n’est pas encore aussi épuré et anguleux qu’aujourd’hui et les couleurs sont franchement criardes. Recherchez plutôt en occasion sa version noir et blanc éditée en 2004 par Rackham.
En conclusion, il s’agit d’un ouvrage à réserver aux inconditionnels de Mignola ou à ceux qui aiment vraiment voir Batman sortir des sentiers battus. Pour les autres, les lecteurs traditionnels de Batman, ils n’y retrouveront pas grand-chose de l’univers auquel ils sont habitués.
Je ne connaissais pas grand-chose de Mignola mis à part les films de Hellboy, cependant cet album m'a vraiment plu car les personnages et concepts de Batman sont très bien adaptés par Mignola !
Comme quoi, les univers de Batman et Hellboy sont plus proches qu'il n'y paraît ...
Le mariage entre l'univers de Batman et celui de Lovecraft, scénarisé par Mignola, autant dire que cet album était porteur de pas mal de promesses. Eh bien aucune déception en vue. Le récit qui se déroule dans les années 1920, bien qu'assez classique, se suit avec plaisir. Il mêle occultisme et créatures tentaculaires d'outre-espace, et constitue une véritable déclaration d'amour à ces deux univers. Le dessin est très bon, sous influence mignolesque, en un peu plus détaillé et moins épuré. En résumé un Batman original et dépaysant, qui séduira les amateurs de récits lovecraftiens.