A
près avoir dérivé plusieurs jours, Médée, Jason et les Argonautes accostent sur l'île de Drépane où l'écho de leurs actions les a précédés. Obligé de renoncer à sa neutralité, le roi Alkinous leur impose un ultimatum. La jeune femme n'a alors pas d'autre choix que de faire don d'elle-même en échange de la liberté pour tous. Mais ceci n'est que le début des sacrifices, en effet, d'autres épreuves les attendent à leur arrivée à Iolcol, en la personne de Pélias, l'oncle de Jason.
Comment renouveler l'intérêt pour un mythe déjà maintes fois revisité ? Deux artistes féminines (Blandine Le Callet et Nancy Peña) répondent en proposant une version terriblement humaine de Médée, personnage aux multiples visages. Après la petite fille, l'adolescente, c'est maintenant l'épouse qui est dépeinte. La présence de la voix off donne l'impression de pénétrer dans l'intimité des pensées de l'héroïne. Le lecteur assiste, fasciné et impuissant, à la naissance d'une personnalité de plus en plus forte. Le récit avance et subtilement, insidieusement les rouages se mettent en place. Le regard devient perfide, les paroles enjôleuses. Devant l'inaction flagrante de son mari, la princesse n'hésite pas à se salir les mains pour provoquer le sort. La construction habile montre très bien l'inversion des ascendants. Médée devient dominatrice, manipulatrice, tandis que Jason étale sa lâcheté et son attentisme. Elle, la petite barbare, se joue à présent de la naïveté des belles Grecques. La guérisseuse se transforme en sorcière, en témoignent les plans sur la préparation minutieuse des poisons. La scénariste emprunte à la psychanalyse le symbole du serpent pour imager le côté sombre de Médée, introduisant habilement la notion de fourberie, de séduction à des fins pernicieuses.
Un nouveau registre dans le dessin est offert à l'occasion de l'entrée dans la ville : l'architecture et la texture des édifices, les verts et les jaunes éclatants qui fondent le décor dans un réalisme presque tactile, les yeux voient et touchent. Pour les scènes dans les pensées de Médée, les aplats de noir profond en arrière-plan insufflent le sentiment d'irrévocabilité, d'implacabilité et la lumière dans la silhouette rehausse sa puissance.
Un cran supplémentaire est atteint dans le graphisme, élégant, majestueux. Le scénario, quant à lui, offre une démonstration de psychologie rarement vue en bande dessinée. L 'histoire a beau être connue de tous, les rebondissements offerts sont passionnants. Que réserve le prochain tome ?
Voici un mythe maintes fois adapté et pourtant aucune impression de déjà-vu, aucune redite ne vient affadir la lecture de ces trois premiers tomes.
La narration est précise, fluide et maitrisée.
Le dessin, lui, est aussi splendide qu’étrange... Épuré tout en étant foisonnant, parfois théâtral ou un peu raide mais en même temps subtil. Ce trait toujours élégant sert admirablement le récit par ses architectures raffinées ou ses contre-plongées discrètes.
De surcroit un bel élément graphique vient sublimer certaines planches : toutes les fumeroles blanches qui se déploient au hasard des pages dès qu’une flamme est allumée dans l’histoire. Certaines de ces volutes s’échappent des cases ou les relient entre elles, matérialisant ainsi l’atmosphère empoisonnée qui règne dans les alcôves des palais, les saumâtres effluves de complot et les vapeurs de haine qui asphyxient les personnages.
A noter que les couleurs automnales sont également superbes !
C’est de la mythologie pure et dure avec son lot d’héroïsme, de violence et d’intrigue mais le scenario sait y distiller très habilement une dimension introspective et intimiste rare.
Mais même si la sensibilité conjuguée des autrices fait des miracles, cette série est sans doute une œuvre trop singulière pour faire l’unanimité. Pour l’apprécier à sa valeur, il faut accepter de se laisser hypnotiser par cette ensorceleuse de Médée…
Tout est beau dans cet album (ainsi que dans les 2 précédents)
L'originalité des dessins, la force de l'Histoire, un mythe revu et corrigé avec beaucoup de talent.
Pas d'artifices, comme trop souvent dans les scénarios modernes.
C'est pur, élégant (jusqu'aux pages de gardes ! )
Cette année j'aurais mis 2 cinq étoiles : L'une pour Le rapport Brodeck l'autre pour cette version magnifique de Médée.