A
u bord de l'immeuble duquel elle s’apprêtait à se jeter pour mettre fin à une existence marquée par le décès récent de ses proches, Chiho aperçoit un garçon. Couvert de sang, il traîne un corps vers une bouche d'égout. Il croise le regard de la lycéenne, qui sait désormais qu'elle périra dans l'heure, disloquée au pied d'un bâtiment, comme prévu… ou de la main de l'inconnu. Seulement, les choses ne se passent pas toujours comme prévues et le tueur en série lui propose un marché : il sera le bras armé de sa vengeance si elle consent à se laisser exécuter ensuite.
Le résumé pourrait laisser présager une œuvre des plus noires et, pourtant, Mako recèle quelques doses de fantaisie et d'outrance qui le placent hors du champ du thriller traditionnel. Tout d'abord, grâce à ce tueur juvénile et hirsute qui n'agit que pour le plaisir que lui procure l'acte de donner la mort. La jeune Chiho l'apprend à ses dépens dans une situation plus que dangereuse : elle ne peut pas compter sur ce gamin qui n’a jamais eu l’intention de jouer les protecteurs. Que l'intégrité physique de l'ex-candidate au suicide soit momentanément menacée, lui importe peu : elle lui fournit de nouvelles cibles, pour lui, c’est l’essentiel.
Et le duo va croiser une sacrée bandes de dégénérés ! Politiciens et hommes d’affaires véreux, fils à papa pervers, parasites qui vivent à leurs crochets, constituent une galerie d’êtres infréquentables. Se croyant tous les abus permis, le respect d’autrui ne fait pas partie des valeurs qui comptent à leurs yeux : ils considèrent que certains de leurs congénères se jettent une fois leur satisfaction atteinte.
Tout ceci baignerait en eaux glauques (meurtres, viols, harcèlement, magouilles etc.) s’il n’y avait cette touche de folie douce qui s’invite ici et là. L’illustration en est donnée par le personnage du chasseur qui fait une entrée fracassante dans le deuxième volume. Sans pitié pour sa proie, doué comme personne pour la traque du gibier quelle que soit l’espèce, le comportement de Toyokichi Rokugo est aussi barré que celui de Mako. Les excès du papy, bigleux totalisant 91 bougies mais capable de surgir de nulle part façon Droopy, répondent aux excentricités de l’adolescent d’une quinzaine de printemps, maître en déguisements et en feintes fatales. Leurs frasques évitent de ne retenir que l’aspect gore ou pervers des actes, ou encore de qualifier ce défouloir de pamphlet érigeant la vengeance comme meilleur moyen de punir les coupable. Sans poil entre bouche et nez (et sans motivation plus ou moins recevable), le jeunot ne risque pas d’être confondu avec feu Charles Bronson : il n’est pas un justicier dans la ville. Et il n’y a probablement pas de message de ce genre de la part d’Inusuke Matsuhashi qui, avec maîtrise, combine action sanglante et comédie potache.
Morale rudoyée, personnage féminin fortement chahuté, méchants excessifs à souhaits, scènes percutantes et crues, ton rigolard qui invite au x-ème degré : Mako prouve qu’il est possible de tutoyer les limites le sourire aux lèvres. Même si ça n’amusera pas tout le monde…
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