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échanceté, mesquinerie, impolitesse, sans gène, mauvaise foi, bêtise... Autant de caractéristiques peu enviables dont Miguelanxo Prado se sert pour nous offrir ce tome deux des Chroniques absurdes, réédition de ses récits courts parus en France à la fin des années 80 et au début des années 90 chez les Humanoïdes Associés.
C'est toujours un véritable plaisir de retrouver le dessin si particulier de Prado, fait de perspectives tordues, de visages grimaçants et caricaturaux et d'une grande science du rythme et du mouvement. Les décors en particulier attirent l'attention, par leur côté bancal : les constructions menacent de tomber à tout moment, les routes et les trottoirs semblent avoir été tracés par une bande de piliers de bar un samedi soir, et même les paysages plus bucoliques paraissent oppressants. Il n'est donc pas étonnant de trouver au sein de ces décors... absurdes des individus au comportement pour le moins étrange.
Prado exagère, grossit certains petits défauts et les rend parfaitement ignobles et insupportables. L'environnement des différents personnages est une véritable jungle, où ceux qui survivent sont les plus forts, en actes et en gueule, les plus nombreux et les plus teigneux. Pas de place ici pour la gentillesse, la guerre et la violence se taillent la part du lion dans ces histoires à l'humour décapant. Le résultat se révèle souvent réjouissant, bien qu'un peu répétitif à la longue. On a le sentiment que dans cet univers, tout et n'importe quoi peuvent arriver. Pourtant les récits se déroulent souvent selon le même schéma, et utilisent les mêmes recettes. On sent que leur finalité première n'est pas d'être regroupés en album. Heureusement, l'auteur parvient parfois à vraiment étonner, comme dans l'histoire dont la couverture du livre est tirée. Rien que pour cela, et bien sûr pour le trait de l'auteur, la lecture des Chroniques absurdes est fortement conseillée.
Dès la première histoire le ton est donné. Il n'est pas facile de lire un album des Chroniques absurdes au complet en un seul jet. L'émotivité et l'agressivité suscitées par ces histoires se doit d'être suivi de quelque chose de plus léger. Prado ne perd aucunement la touche dans ce deuxième album.