Seul, perdu dans le froid du Grand Nord, Bödvar le viking s'apprête à livrer son dernier combat, c'est l'ultime confrontation d'un homme face à ce qu'il est devenu : un animal sanguinaire. Recueilli par un shaman et son protégé, il s'en ira en compagnie du jeune inuit, parcourant les contrées sans fin de ce monde de glace. Que pourra-t-il retirer de ce voyage au plus profond de lui-même ?
Féroce est une fable, un ballet artistique, un tour de force graphique : impossible ici de dissocier le fond de la forme tant le dessin de Supiot et ses couleurs flamboyantes accompagnent à merveille le conte poétique d'Omond. D'une complémentarité rarement atteinte, ces deux auteurs nous offrent une histoire qui, derrière une apparente simplicité, nous renvoie à des problèmes graves qui ont trait à la nature de l'homme. On assiste à cette débauche de violence, à ce sang versé en masse, à ces morts innombrables… et le dégoût fait bien vite place à une triste évidence : ce n'est plus la vie de ce Bödvar que nous suivons mais celle de l'Homme, celui qui a bâti son Histoire sur la guerre et la destruction.
Féroce est empli de la force des légendes humaines, de ces histoires toute simples qui se font l'écho de notre nature profonde. Plus contemplatif que véritablement frénétique, ce récit est étrangement calme. De cette dichotomie naît un rythme lent et une ambiance qui s'installe peu à peu, comme pour inviter le lecteur à accompagner le héros dans son cheminement intérieur.
Féroce est fait de grands espaces que Supiot met à profit pour faire la démonstration d'un art qui toise la perfection. Il nous dépeint ces grandes étendues au blanc éclatant, ce ciel rougeoyant aux teintes lumineuses, ces vastes plaines baignées de la lumière du jour… avant de replonger dans la folie de ce monde barbare : ces massacres inhumains, ce sang qui dégouline, ces rêves fantasmatiques d'un noir si lugubre et si oppressant… C'est sûrement dans une telle variété de tons et d'ambiances qu'on reconnaît la patte d'un grand artiste, un artiste qui se met avant tout au service d'un univers et de personnages.
Féroce est un livre qui fascine, à tel point qu'on en oublierait presque un point essentiel : il est finalement très court, vite lu, et ne s'encombre pas d'un scénario vraiment construit ni d'une réflexion vraiment aboutie. Il pourra donc aussi bien décevoir le lecteur en quête d'un album vraiment "fini" qu'enthousiasmer celui qui aime les histoires moins approfondies.
Féroce est de ces albums qui s'offrent en pâture à l'imaginaire de ceux qui veulent bien s'y plonger.
Aussi bon que "Le dérisoire". Encore une fois il faut tout ressentir. Un album tout en émotion, absolument superbe de part les dessins et surtout les couleurs. Le format de luxe et relativement grand est très appréciable également. L'histoire possède un véritable message humaniste. Il faut vraiment la lire absolument !!