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rois personnages – des amis, des collègues, des complices ? - arrivent dans une ville avec un objectif clair: ils doivent atteindre une habitation dont la localisation est incertaine. Ils se mettent en chemin à travers les rues de cette mégalopole grouillante dans laquelle ils ne se sentent pas les bienvenus.
Les éditions Matière continuent leur œuvre de défrichage d'une certaine bande dessinée à la limite de l'expérimentation. Même si La salle de la mappemonde, le huitième ouvrage de Yūichi Yokoyama, ressemble beaucoup à une expérience graphico-narrative, l'album se montre finalement tout-à-fait abordable. En effet, tout en proposant une approche en apparence excessive, cet auteur se revendiquant de l'école du néo-manga reste en fait bien ancré dans la tradition.
D'abord, le cadre. Cette cité angoissante et apparemment sans fin rappelle évidemment Tokyo ou Osaka. Des lieux d'aliénation où la majorité de la population est réduite à travailler sans relâche pour permettre à une minuscule minorité de profiter d'un luxe incroyable. Les trois compères traversent avenues et canaux et, feignant l'ignorance, remarquent l'absurdité de cet univers écrasant.
La forme ensuite, Yokoyama pousse les codes de son art à l'extrême, mais ne sort que très rarement de ce qui existe déjà. Si le découpage reste en fin de compte très classique, la mise en page surchargée par des onomatopées en kanji (chapeau à Céline Bruel d'avoir si bien su intégrer leur pendant français) s'avère particulièrement percutante. Tous les bruits urbains se retrouvent fidèlement retranscrits. Les hurlements des réacteurs d'avion au décollage et l'incessant trafic automobile font véritablement trembler les pages dans les mains du lecteur !
Premier tome d'une trilogie à venir, La salle de la mappemonde pourrait rebuter, mais une fois la première impression passée, sa lecture se révèle pleine de finesse et d’acuité.
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