L
’ombre de Dante Alighieri hante Venise à jamais. Désormais, l’important est de savoir si le miracle qui la sauva jadis de l’anéantissement peut se produire à nouveau… sept siècles après.
Créée il y a à peine trois ans, Marina cultive une retenue à laquelle il est temps de mettre définitivement fin ! Alors qu’il pourrait jouer sur la facilité du mythe de la Venise éternelle, Benoit Drousie déstabilise la Sérénissime République en déversant sur elle sept maux - comme autant de péchés capitaux -, l’obligeant à poser genou à mer pour ne pas sombrer. Si la ville édifie son avenir (touristique) sur son passé (mercantile), le scénariste belge lui imagine une fin en conséquence et entraîne le lecteur dans les méandres de l’Histoire marchande et guerrière de l’illustre cité lacustre. Louvoyant des prémices de la Renaissance à ceux du vingt-et-unième siècle, il se sert de la superstition qui nimbe la cité pour tisser un récit qui hybride le romanesque historique à la fiction contemporaine.
Sur les eaux de la Lagune, Mattéo Alemanno manie sa topetta avec aisance. Le dessinateur vénitien brosse un portrait du Trecento d’une vraisemblance et d’un réalisme saisissants. Au-delà de la simple dimension visuelle, il se dégage de ses planches une atmosphère qui doit beaucoup à une mise en couleurs directe plus que travaillée, que seuls ceux qui ont eu la chance d'admirer ses originaux peuvent vraiment apprécier. Là se trouve le seul bémol de l’album ; celui d’une reproduction qui minimise sa valeur graphique. Et l’on se plait à rêver d’un tirage de tête sur un papier de fort grammage au grain délicat.
Justement mis en scène et magnifiquement dessiné, Razzia démontre le potentiel d’une série qui s’installe de manière trop discrète comme une référence du genre. Reste à faire qu’elle apparaisse enfin comme telle aux yeux du plus grand nombre.
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