E
n ce début du XIXe siècle, l'Amérique du Nord est le continent qui « bouge ». Les États-Unis, en particulier, bouillonne de tous côtés, la côte Est entame son industrialisation, le Midwest s'ouvre petit-à-petit aux pionniers, alors que l'Ouest reste sauvage et globalement inexploré. En 1804, dans la foulée de l'acquisition de la Louisiane, Lewis et Clarke réalisèrent la première traversée complète du pays et, un peu plus tard, Jean-Jacques Audubon commence son immense œuvre naturaliste. Par contre, quand en 1831, Alexis de Tocqueville débarque à son tour à New-York, c'est plus en tant qu'intellectuel qu'aventurier. Curieux des possibilités humaines et de l'esprit qui habitent les habitants de ces contrées, il s'entiche d'accéder aux campements de colons les plus isolés et d'observer ces fameux Indiens aux auras quasi-légendaires. Accompagné de son ami Gustave de Beaumont, il finira, après maintes péripéties, par atteindre Saginaw sur les rives du Lac Michigan. Ce périple bouleversera et changera à jamais le jeune homme. Pour des années à venir, ce qu'il endura et vécu lors de cette expérience ne cessera de nourrir sa réflexion et ses écrits qui firent de lui un des précurseurs de la sociologie moderne.
Pour un premier album, Kévin Bazot s'est attelé à un projet ambitieux. Basé sur Quinze jours dans le désert, Tocqueville vers un nouveau monde se concentre uniquement sur l'expédition entreprise par les deux amis vers Saginaw. La lente transition entre le monde « civilisé » vers le désert (à prendre dans son sens littéral) nourrit la majorité du propos. Adepte d'un rousseauisme très à la mode à son époque, Tocqueville est également fasciné par les Chippewas et leur mode de vie en harmonie avec l'environnement. Il s'insurge particulièrement du sort qui leur est réservé par des Blancs certains de leur supériorité. Ses idées très avant-gardistes sur le respect des minorités et de la nature résonnent encore aujourd'hui.
Le scénariste suit d'une manière très appliquée et agréable ces déambulations géographico-philosophiques, même si l'abondance des textes narratifs au style ampoulé alourdit souvent la lecture. Il manque surtout au récit une mise en contexte générale ou quelques repères biographiques sur le personnage principal. En effet, dans une volonté de dynamisme, Bazot a préféré directement lancer son héros sur les routes. Pourquoi pas, mais le lecteur sans trop de connaissance sur le sujet peinera peut-être à comprendre toutes les subtilités du discours du grand homme.
Graphiquement, le résultat s'avère excellent, malgré un découpage encore un peu hésitant. Le dessinateur réussit à faire partager l'éblouissement des deux protagonistes alors qu'ils entrent dans ces territoires vierges : les arbres géants de la forêt primaire, les innombrables lacs scintillants et, sur une note moins réjouissante, les omniprésentes nuées de moustiques. Le trait réaliste est bien en place et efficace, quoiqu'un peu raide par moments (jamais la brise ne vient décoiffer les chevelures), tandis que les couleurs très travaillées participent pleinement à la très belle ambiance de l'ouvrage.
Non dénué de quelques défauts secondaires propres aux débutants, Tocqueville vers un nouveau monde est néanmoins très abouti. Les férus d'Histoire américaine devraient parfaitement se retrouver dans cette séduisante relecture d'un classique du genre.
Un récit célèbre adapté en BD. L'histoire (inspirée de faits réels) met l'accent sur la recherche du vrai dans l'inconnu. Le parcours de Tocqueville est impressionnant, tout comme sa quête.
Les dessins sont magnifiques et illustrent à merveille les forêts nord-américaines.
Ce livre est un très bon moment de lecture, simple de surcroît. Ça fait du bien.
Très belles planches, aurait mérité un plus grand format.
La "Civilisation" contre la Nature, la fin d’un monde et l’avènement d’un nouveau.
BD très plaisante.