A
rata n’a pas fait un démarrage en trombe dans la vie. Pas de brillantes études, un premier job qu’il n’a pas su garder, pas de petite amie : à 27 ans, le bilan est plus que décevant. Alors que ses parents, restés dans le rural profond dont il est originaire, lui annoncent qu’ils vont lui couper les vivres, il sait qu’il faudrait un coup du sort pour lui sauver la mise. C’est le moment que choisit Ryo Yoake pour surgir. Il représente ReLIFE, un institut de recherche, et propose au jeune en plein doute un marché alléchant pour une durée d’un an. Son engagement : après ingestion d’une gélule, il retrouvera son physique d’il y a dix ans et devra se fondre dans une classe de lycée, sans rien révéler du contrat signé avec la firme. Le gain : des revenus et la promesse de recevoir une proposition au terme de l’expérience.
Non, ce manga adapté d’une web série ne dresse pas le constat déprimant d’un échec, en installant une ambiance lugubre de surcroît. D’ailleurs, chose peu ordinaire pour le genre, Yaoiso propose une œuvre tout en couleurs. Sur le fond, l’histoire sera d’autant plus riche si le lecteur veut bien greffer quelques éléments de réflexion personnelle à ce point de départ amusant bien qu’un peu classique. L’exposé peut se révéler comme une perche tendue aux références autant qu’au questionnement afin d’anticiper et de corser la suite : y aura-t-il une touche « faustienne » à la contrepartie qui peut évoluer au fil du récit ? Le représentant de ReLIFE est-il destiné à jouer le rôle de la conscience d’Arata, dans une version démon/ange qui anticipe ses désirs ? Aurait-t-il même des intentions un peu plus perverses que celles d’un Jiminy Cricket version adulte ? L’auteure ne se contente-t-elle pas de transposer Fight club dans une version gentillette destinée à un public nostalgique d’une période révolue qu’il n’a pas peut-être pas goutée autant qu’il aurait pu ?
Car, au milieu de passages très bavards et redondants parfois – liés au chapitrage et à la nécessité de rappeler les faits des épisodes précédents induite par le format de série -, le propos n’est pas celui d’une rébellion contre la société, d’un profond mal être dont il faut s’échapper, y compris de manière dangereuse, artificielle et temporaire comme dans le roman de Chuck Palahniuk. La situation dans laquelle le mignon loser est placé pourrait lui autoriser certaines audaces. Avec son vécu, même limité, il pourrait s’imposer à la fois en chef de basse-cour face à ses congénères et jouer le renard dans le poulailler avec les poulettes qui l’entourent. Mais point de terrain de jeu de ce genre pour lui, le lycée lui permet simplement de jouer le bon samaritain, celui qui comprend, soutient.
Quiconque souhaiterait saupoudrer le récit d’une dose de fantasme en sera pour ses frais ou, comme dit précédemment venir avec sa poivrière. Pour l’heure – et peut-être définitivement -, ReLIFE est seulement une fable agréable à suivre, usant d’un polymorphisme lui aussi raisonnable et agrémenté d’un pétale de fleur bleue. Que ce qu’il propose soit propice à laisser s’évader l’esprit lui donne une qualité supplémentaire.
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