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usty n'en croit pas ses yeux. Ce matin encore, il marchait aux côtés de son père qui lui inculquait les rudiments du commerce et des pratiques dues à leur rang. Eux, peuple de la dix-septième cité flottante, détenteurs de la magie, doivent se faire respecter et craindre du peuple d'en bas, les Moindres, avec lesquels ils traitent. Tout à l'heure encore, avec ses amis, il observait les vaisseaux s'amarrer dans la cité reine d'Apalis. Le colloque et ses conseillers de toutes les cités s'étaient réunis pour évoquer la baisse de magie et trouver une solution. Et maintenant ? Au milieu de nulle part, à compter les morts et chercher de quoi survivre. Gharta la chercheuse avait pourtant l'air de savoir comment s'y prendre. Elle avait même convaincu assez de magiciens pour tenter le sort ultime : faire revenir le Champion. Avec lui, plus de pénurie et les Nuageois retrouveraient leur puissance. Hélas, rien ne s'est déroulé comme prévu ; pire, tout a complètement raté. La cité n'est plus, la magie s'éteint et le Champion n'a pas l'air de comprendre ce qu'il fait ici. Cette fois, tout est perdu.
Ben Dewey trouve avec The Autumnlands sa première série exécutée "seul aux pinceaux". Et pour une découverte, il est gâté : anthropomorphisme, combats, magie, grandes étendues et cités modernes sont un terrain rêvé pour laisser libre court à son talent. Et il ne s'en prive pas, bien au contraire ! Si son découpage et ses cadrages peuvent sembler classiques, le bestiaire qu'il a imaginé ainsi que le dynamisme de son trait sont sans faille. Il n'hésite pas non plus à exploiter l'étendue du potentiel expressif des faciès animaliers. Un travail soigné, magnifié par les couleurs de Jordie Bellaire (Pretty Deadly, Moon Knight), sobres mais toujours à propos.
Si les dessins retiennent l'attention, c'est avant tout la trame qui accroche dans ce tome d'ouverture. Une épopée Fantasy, avec une pointe de religion et un héros de légende, dont les humains sont absents et où les protagonistes sont soumis à un danger omniprésent et la tension exacerbée par la lutte contre le temps. Mis bout à bout, les ingrédients auraient pu être indigestes mais le créateur d'Astro City et de Superman : identité secrète a le talent nécessaire pour doser avec justesse chaque élément. Créant rapidement un déséquilibre entre les forces en présence, il ne fait pas languir le lecteur pour dévoiler la nature exacte du sauveur tant attendu... et ses limites. En s'appuyant sur des personnages encore enfants, il s'offre aussi l'occasion de les lancer dans l'exploration du monde que leur peuple découvre, les faire grandir à force d'épreuves, de doutes et de remises en question. Dense, son récit reste toutefois plaisant et envoûtant grâce à une narration intelligente et des rebondissements nombreux mais bien amenés.
De griffes et de crocs parvient à introduire un monde étendu et foisonnant, décrire les enjeux et créer de l'empathie pour ses personnages en six épisodes. Si cela ne présage pas de la qualité de la suite, cet album représente un très bon départ pour une série dont le potentiel est indéniable.
Cela faisait quelques mois que je voulais découvrir cette œuvre car la couverture attire incontestablement. Si seulement le dessin avait été à la hauteur de cette couverture, on aurait l’un des plus beaux comics qui soit. Ce n’est malheureusement pas le cas. C’est une bd animalière qui a certes quelques atouts dans la représentation anthropomorphique. Cependant, les défauts sont visibles à commencer par une couleur dégoulinante qui fait perdre la beauté aux images.
En ce qui concerne le scénario, on se rapproche de l’univers fantasy de Warcraft. Il n’y a rien de vraiment original à part sans doute le fait que le champion soit un homme au demeurant bien foutu. Il manque la grâce, la beauté et la subtilité, c’est certain. Mais bon, ce n’est pas aussi mal que cela. Il y a dans le traitement quelque chose de différent qui semble tenir la route. De griffes et de crocs nous donne envie d’aller plus loin dans la découverte de ce monde magique très automnale.