S
ur près de trois cents pages denses et bien remplies, Farel Dalrymple raconte, suit et torture un groupe de personnages dans un royaume déchu, démesuré et improbable. Ce dernier a imaginé un récit gorgé de références – autobiographiques et « pop-culturelles » - aux multiples niveaux de lectures, ose sauter, sans avertissement, d'une réalité à l'autre, joue par moments la carte de l'improvisation et, surtout, se fait simplement plaisir « à faire semblant », comme quand il avait dix ans.
Attention néanmoins, sous cette tumultueuse plongée dans le monde de l'enfance, se cachent de nombreuses fêlures. C'est bien connu, les jeux d'enfants sont souvent cruels, particulièrement pour celui qui n'arrive pas à faire partie de la bande. C'est le cas de Hollie, un petit rondouillard un peu lent qui arbore continuellement un costume de super-héros fait maison. Sa solitude et son amour pour les comics vont le transporter dans une saga post-apocalyptique incroyable qui rappelle autant Louis Pergaud ou William Goldwin que George Miller. Le scénariste exorcise certainement quelques démons personnels mais, heureusement, préfère l'aventure aux larmoiements. Seul bémol, la richesse narrative continuelle est parfois étouffante et, paradoxalement, le lecteur pourrait se sentir tenu à l'écart.
La soif de raconter passe évidemment par le dessin. Sur ce plan, Dalrymple ne ménage pas ses efforts. Page après page, il montre et sculpte un univers à la hauteur de sa passion créatrice. Paysages hallucinés que n'aurait pas désavoués Mœbius, clins d’œil au grand illustrateur Maurice Sendak, petits apartés façon fiche de jeux de rôles, etc., l'artiste passe d'un style à l'autre juste pour le « fun », sans se soucier d'une quelconque continuité. Le découpage suit le même mode créatif. Du plus pur moule-à-gaufres croulant sous les explications à de grandes compositions contemplatives en passant par des planches ouvertes, l'auteur ose tout, avec un talent certain de surcroît ! Cependant, cette générosité graphique a son prix et la lecture peut s’avérer ardue sur la longueur.
Introspection tournée en quête mystique, The Wrenchies surprend et impressionne. Néanmoins, et toute proportion gardée, à l'instar de certaines œuvres de Phillipe Druillet, son approche peut se révéler délicate, tant par sa forme que par son fond.
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