U
n coup de feu, une chaussure trouée... quelle animation au sein de cet étonnant astronef qui fuse nonchalamment vers l'astre lunaire, emportant ses voyageurs malgré eux et toutes leurs mesquineries. La cohabitation s'organise tant bien que mal, mais plus mal que bien, avec son lot de petites crasses. Que se passera-t-il lorsque le phare alunira ?
Le Voyage Improbable aurait pu s'appeler "Un aller et un retour". Le premier volume était prometteur, avec toutes ces petites bizarreries méprisant toutes les lois de la physique et augurant d'un festival de l'absurde. La référence à Objectif Lune est sous-jacente, mélangée à toutes les références fantastiques, de la littérature classique du XVIIIe siècle à Jules Verne et aux épisodes lunaires de De Cape et De Crocs. Avec un tel background, ce second tome était donc assez attendu. Hélas, il tourne à vide, tel un magnifique soufflé qui se dégonfle au moment où on le découpe. Il ne s'y passe pas grand-chose, à part la petite guéguerre entre des personnages archétypaux, et il n'y aura pas de révélation, de pirouette absconse venant l'épicer. Il reste le dessin, tout proprement sublime, avec ses trognes habituelles aux profils improbables, ses petits détails d'arrière-plan qui font toute la différence et ses couleurs flamboyantes.
Avec son Voyage Improbable, Turf reste un maître lorsqu'il s'agit de créer un univers et de faire interagir des personnages chamarrés. Il ne lui manque que la dynamique, la bonne idée qui transforme un beau décor en un chef d’œuvre.
Avis sur l'ensemble du diptyque.
Niveau de bulles d'encre: 9/10.
Le coup de crayon: Il paraît que la perfection est atteinte lorsqu'on ne peut plus rien retirer d'une oeuvre; dans ce cas Turf s'en approche très très près.
Un coup de pioche et BOUM, une conduite de gaz explose et projette le phare, son gardien et les chercheurs en orbite direction la lune!
Le scénario est aussi improbable que le voyage du titre et brillamment mies en scène par l'auteur de la Nef des Fous au sommet de son art. Personnages géniaux, dialogues dignes de Jacques Audiard et rythme effrené m'ont transporté avec joie dans cette merveilleuse aventure. Turf est un fantastique conteur et livre ici un diptyque dense, ciselé et très abouti pour un huis clos spatial unique en son genre.
Le coup de pinceau:
Il y a une grâce, une finesse dans le trait de Turf que j'aime particulièrement et que je retrouve par exemple chez Emile Bravo dans un autre style. Mention spéciale à la composition et au découpage des planches utilisant pleinement la forme et la longueur du phare sur les pages pour livrer des rendus originaux, créatifs et extrêmement agréables à lire. Bravo.
Instragam: debulleedencre.