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umber 4 et Number 5 gisent au milieu d'une étendue gelée, abattus par l'ancien mentor de Number 5, Victor. Proche de la mort, Yuri se rappelle les 15 années qui ont précédé ce moment, son entrée dans le Conseil Rainbow, ses missions alors qu'il était sous les ordres de Number 2, l'arrivée de Mike, le futur Number 1...
Après avoir laissé ses lecteurs sans repères ou presque pendant 3 tomes entiers et après un volume 3 très déstabilisant du point de vue narratif, oscillant constamment entre rêve et réalité, le temps des explications est venu pour Tayou Matsumoto, sous la forme d'un grand flash-back. Pour autant, les personnes avides de réponses claires et précises resteront sur leur faim, l'auteur ayant manifestement l'intention de garder une partie de l'aura de mystère qui entoure le monde de Number 5 intacte.
Le flash-back est un procédé classique et souvent utilisé à outrance dans le manga, afin de donner une certaine épaisseur aux différents personnages d'un récit en les dotant d'un passé. Si cette fonction est utilisée dans le tome 4 de Number 5, elle est pourtant grandement atténuée par le fait que, pour la plupart, les protagonistes possèdent déjà cette épaisseur. Cette série est comme un puzzle, Matsumoto posant chaque pièce dans un ordre précis pour leur donner le plus d'impact possible. Sous cet angle, ce retour en arrière, retraçant l'apogée du pouvoir de Number One et la descente aux enfers de Victor, alors que les rôles sont inversés 15 ans plus tard, prend tout son sens. Le parallèle souligne l'importance de plus en plus grande que prennent ces deux vieux ennemis au cours du récit.
Alors que le volume précédent s'attardait sur les paysages oniriques créés par Number 4, permettant ainsi à l'auteur de lâcher son trait, de le déformer et de changer de style pour coller à chaque ambiance, celui-ci se recentre totalement sur les personnages, donnant à Matsumoto l'occasion de montrer toute la puissance évocatrice de son dessin par le biais des deux héros de ce flash-back. Number 4 comparait l'un à un trou noir, et l'autre à une étoile incroyablement brillante, et cette antinomie est parfaitement retranscrite graphiquement : les planches ou Victor apparaît semblent souvent plus sombres, ses rides laissant des ombres sur son visage... Seul, ou entouré de ses lieutenants vêtus du noir, il est toujours armé et les seuls sourires qu'il parvient à esquisser paraissent amers, ou cyniques. A l'opposé, Mike, jeune homme au visage sans défaut et très expressif, est toujours nimbé de lumière et souvent entouré d'enfants. Le dessinateur accentue cet effet avec humour en utilisant certains codes du Shôjo afin de souligner son charisme et son pouvoir de séduction, comme les fleurs et les papillons qui l'entourent le temps d'une page.
Un soin tout particulier est aussi apporté à Matriochka, le personnage le plus énigmatique de la série. Presque muette, présentant tous les symptômes de l'autisme, elle exerce pourtant une grande influence sur Number 5 et Number 1. Matsumoto joue avec le caractère enjoué et innocent de la jeune femme, et crée véritablement l'ambiance des cases où elle apparaît en fonction d'elle. Par rapport à ces trois très fortes personnalités graphiques, Number 5 est en retrait, effacé, neutre, ce qui correspond totalement à ses différentes apparitions. Il se retrouve relégué au deuxième plan, et son entrée dans le Conseil Rainbow nous apparaît plus comme relevant du hasard que de ses compétences.
Loin de décevoir avec ce tome 4 de Number 5, Tayou Matsumoto confirme tout le bien que l'on pensait de lui, en dirigeant de main de maître son oeuvre la plus ambitieuse jusqu'à présent.
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