Il était un périple si fabuleux qu’il semblait impossible et certains pensaient qu’ils avaient rêvé un rêve en voguant sur cette mer si belle.
Sur ces mots s’ouvre Deplasmã (prononcez « déplacement »), sorte de space-opera assez ambitieux qui devrait compter sept volumes. Tout commence par une succession déstabilisante d’images brouillées, de visions oniriques, de personnes nues qui défilent et de textes qui se chevauchent, avant de retrouver une matérialité tangible. Cette réalité propulse le lecteur dans un avenir indéterminé qui s’apprête à connaître une véritable révolution : l’avènement du « flux », sorte d’Internet de la conscience qui doit permettre aux personnes compatibles de partager instantanément leurs connaissances, de les réunir en une grande base de données collective.
La société dépeinte par Joshua W. Cotter est à l’image de notre monde contemporain, dans la droite ligne en tout cas des évolutions sociales liées au développement des réseaux sociaux et des nouvelles technologies. La vraisemblance du récit s’en trouve renforcée, permettant une plus grande acceptation des phénomènes étranges qui affectent les personnages et leur environnement. La narration est pour le moins surprenante et, bien que tout semble devoir se rejoindre, divise l’intrigue en deux. La première partie, très irréelle, évoque l’univers de Moebius. Elle suit les pas hésitants d’un homme qui, après son réveil, s’est extrait d’un mystérieux caisson pour partir explorer un monde désertique à la fois bizarre et fascinant. La seconde s’attache au destin du Dr Melody MacCabe, qui, depuis une station spatiale, travaille sur cet "Internet des esprits" parallèlement à d'autres projets scientifiques.
L’auteur prend son temps pour planter le décor et dévoiler par bribes la personnalité des divers protagonistes, instaurant un rythme lent qui rend la lecture fort contemplative. Dans un style froid mais intrigant, son dessin participe à une certaine forme d’austérité qui n’empêche pas de ressentir un attachement envers les différents acteurs, grâce notamment à quelques touches d’humour et des scènes qui, si elles peuvent paraître plus anecdotiques, contribuent à façonner un ensemble bien construit, cohérent.
Déjà d’une rare densité, ce premier tome de 196 planches n’est pourtant qu’une introduction. Mais elle donne furieusement envie de se plonger dans la suite.
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