A
u début de l’année 1915, il est acquis que ce nouveau conflit opposant la France à l’Allemagne ne va pas durer seulement quelques semaines. Les fleurs ont disparu des fusils, le sentiment d’une victoire imminente s’est évaporé. Il y a déjà de nombreux morts et estropiés. La bataille de la Marne est passée par là. Alors, les armées creusent des tranchées et la guerre de position commence. Jules, Pierre, Jacques, Arsène et leurs camarades s’enterrent, physiquement et moralement. L’ennemi allemand n’est plus visible. Dès lors, l’ennemi, c’est l’ennui, la boue, les poux, les rats, le froid, la faim et la peur. Deux des troufions font une sortie, pour aller voir les filles. Au retour, de nuit, ils se trompent de tranchée ; ils se retrouvent chez les casques à pointe. Et puis, il y a cette découverte et cette rumeur, celles du gaz. Le lieutenant l’assure, il y a des règles, même dans la guerre. Le traité de La Haye, signé en 1899 par les pays belligérants, le stipule : l’emploi de gaz de combat est interdit. Pourtant …
En cette période de commémoration du centenaire du premier conflit mondial, tous les modes d’expression, artistiques ou non, sont mobilisés et sollicités pour répondre au devoir de mémoire. Maurice, un des personnages principaux, écrit dans une lettre les limites de la démarche : « Aucun talent artistique, même le plus développé, ne sera à même de traduire ce qui se passe ici … pas plus qu’aucune imagination humaine ne sera capable de le comprendre. Ceux qui ne l’ont pas vécu ne sauront jamais réellement ce qui s’est passé ici ». Reconnaissons aux auteurs le courage d’inscrire au sein même de leur travail les limites de celui-ci. Cela a le mérite d’interroger sur l’acte de mémoire, qu’il soit œuvre, cérémonie ou analyse scientifique de l’historien. De quoi souhaite-t-on se souvenir, et pourquoi ? Quel tri opère-t-on dans la multitude d’informations disponible sur ce conflit qui a duré quatre ans ? Comment représente-t-on ces événements ? Quoi qu’il en soit, les choix de commémoration en disent autant sur nous-même que sur cette tranche d’histoire proprement dite.
La bande dessinée tient toute sa place dans cette dynamique. Jacques Tardi a ouvert la route, il y a bien longtemps. Notre Mère La Guerre ou 14-18, parmi d’autres, sont des séries qui honorent aussi bien le neuvième Art que les tragédies de la Première Guerre Mondiale. Dans ce quatrième volume de 14-18, d’excellente facture, la réflexion et la mise en récit sont globales et pertinentes. Certes, il y a la ligne de front, mais aussi l’arrière, ceux qui sont restés, femmes, enfants et familles. Et puis cette idée que, dans des conditions extrêmes, les individus, oubliant les exigences sociales, se laissent aller. La noirceur de chacun s’exprime davantage. C’est le temps des confessions, des aveux, de la confrontation directe des individus, fussent-ils du même camp. Le scénario de Corbeyran ne lâche rien, ni dans la tension narrative, ni dans le suspens. Le dessin de Le Roux, quant à lui, suggère l’horreur des tranchées plus qu’il ne les montre, mais peint précisément les sentiments de ceux qui perdent les leurs. Utilisant tous les formats, du découpage classique de la planche à la pleine page, son graphisme saisit inévitablement le lecteur et soutient parfaitement le récit.
Cet épisode, qui évite la caricature des personnages et du premier conflit mondial, est une réussite.
Que du bon : l'intro de chacun des albums où avant de se plonger dans le récit, on en voit les conséquences ; le choix de suivre des soldats d'un même village et l'évolution de leur relation ; la "découverte" de la guerre et la plongée progressive dans l'inhumanité. Sans parler du dessin précis, de la mise en couleur, de la narration et tout cela sans s'affaisser au fil des tomes. Bravo !
Bonne série sur la première guerre mondiale. Dommage qu'elle soit un peu édulcorée. Des soldats qui se promènent dans les tranchées sans jamais se salir, ou très peu, cela n’est pas très vraisemblable.
Mais, les dessins sont magnifiques et l'histoire de ces huit amis partis à la guerre, fleur au fusil, est poignante. Celle des épouses et petites amies restées à l'arrière ne l'est pas moins.
Ce quatrième volume se concentre sur les premières attaques au gaz avec une armée française qui va subir de lourdes pertes. Il nous confronte aussi à la jalousie d'un soldat qui ne supporte pas la trahison de sa femme qui l'a trompé. Pourtant lui, de son côté, va voir les prostituées. Le manque d’amour pour l’homme et la femme est patent. Quand les lendemains sont incertains qui peut-on blâmer.
D’album en album, l’histoire se noircie et reste passionnante.