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avoie, 1920. Dans les villages les plus reculés des Alpes la première Guerre Mondiale a aussi fait des dégâts. Et même lorsque les hommes sont revenus, la mort s’est acharnée et en a fauché d’autres. Une avalanche a pris le mari et le fils de Blanca, ainsi que les parents du jeune Florentin. Alors, Blanca décide de partir, emmenant sa bru, Pauline, et le jeune orphelin. La petite troupe s’éclipse pendant la messe, lorsque le village est désert, avec un mulet, quelques bagages et un fonds de mercerie. Elles feront du colportage et tâcheront d’en vivre. Mais sur leur chemin surgit Arpin, ancien poilu, qui prétend avoir connu le mari de Blanca au front. Il raconte que celui-ci a volé une montre en or sur le cadavre d’un capitaine. Arpin l’a vu. Les deux hommes auraient décidé de se partager le fruit de la vente du bijou. Arpin a perdu son compère ; il vient réclamer son dû. Commence alors une course poursuite qui les mènera bien loin de leurs montagnes natales.
Le jeune Florentin est le narrateur de cette histoire. Les gens, les événements et les sentiments sont vus au travers de ce regard d’enfant, qui va glisser au fil des pages vers la maturité de l’adulte. Le voyage déplace géographiquement les personnages. Mais il les emmène aussi vers des temps plus modernes : la découverte de l’automobile, du chemin de fer, l’idée encore vague et dérangeante d’une émancipation de la femme. Il les pousse dans leurs retranchements. Pauline perd ses montagnes et avance sans conviction. Florentin perd son innocence. Blanca perd ses certitudes et s’ouvre peu à peu à une autre vie. Et derrière eux, toujours Arpin, personnage plus complexe qu’il ne paraît, que la guerre a détruit et qui essaie maladroitement de se construire à nouveau une existence.
Dans ce volumineux (120 pages) et somptueux album d’Anthony Pastor, la bande dessinée vient chasser délicatement et avec bonheur sur le territoire de la littérature. L’album prend son temps pour construire des personnages complexes, élaborer un environnement riche et emmener le lecteur dans une intrigue à plusieurs niveaux. Il y a le duel, dans le sens western du terme, entre les migrants et Arpin. Il y a aussi le chemin intime parcouru par chacun. Enfin, un monde en mutation forcée, après une tragédie collective majeure, se dévoile. La narration prend son temps, sans que l'ennui ne pointe. Bien au contraire, il est facile de se laisser happer avec délectation par ces individus bousculés, en déséquilibre, cherchant à retrouver ou à reconstruire des repères.
Graphiquement, Le Sentier des reines est splendide. Qu’il s’agisse de rendre l’aspect glacial d’une montagne hostile ou la chaleur d’un regard, le trait d’Anthony Pastor fait mouche à chaque case. Les bâtiments d’il y a un siècle sont rendus dans leur poésie et leurs détails, les paysages, hostiles ou accueillants, ont toujours une âme et les personnages, aux gestes précis et aux visages pleins de vie, habitent l’album et charment à chaque page. Les phylactères sont dispensés avec parcimonie, toujours bien situés par rapport au dessin. La narration n’en est que plus fluide. Rien n’est à ôter, rien n’est à ajouter à cet album, écrit et dessiné avec passion et méticulosité. L'invitation à se joindre à cette petite troupe errante est naturelle et l'invitation faite à chacun d'y trouver un petit morceau de vérité évidente. Pour achever de convaincre, six pages (texte explicatif et croquis) de l’auteur donnent quelques clés sur le processus de création.
Une superbe fresque qu’on pourrait croire historique tant l’époque est restituée de manière précise et réaliste. Anthony Pastor dépeint la France rurale de 1920 avec un souci poussé du détail. Les décors, par leur austérité, prennent dès lors une place prépondérante. Ils offrent le cadre idoine, âpre et immersif, pour cette course poursuite haletante menée par des personnages à la rudesse bien campée. La confrontation Arpin/Blanca, qui captive par la détermination de chacun à l’emporter sur l’autre, en est le point d’orgue.
La plus grande réussite de l’album est d’associer une intrigue sobre, presque naturaliste, avec une dramaturgie romanesque. Il en résulte une tension, une ambiance qui réussissent à rendre épique la simple fuite, à pied, d’une vieille dame, d’une jeune veuve et d’un adolescent de leurs montagnes savoyardes vers Paris.
Une excellente lecture, pleine de force et d’émotion.
Le sentier des reines ne m'a guère passionné malgré certaines qualités objectives. Beaucoup de pages où l'on suit une dame accompagnée d'une femme plus jeune et d'un adolescent introverti qui fuient un village savoyard meurtri par une avalanche après les dures années de guerre. Ils sont poursuivis par un poilu rescapé pour une vague histoire de montre.
Cela se veut malgré tout être une ode à l'émancipation des femmes après le contexte de la Première Guerre Mondiale. C'est surtout un road-movie interminable. La colorisation sera bien grise ce qui rend un aspect assez terne pour cette oeuvre.
On peut crier au chef d'oeuvre et à la somptuosité. Cela ne sera guère ce que je pense. Il reste le témoignage d'une époque réellement difficile pour notre pays.
Excellent album, qui rend à merveille la dure vie dans les montagnes au début du XXeme siecle. On se laisse emporter par cette course poursuite pédestre (!!) même si la fin semble un peu moins aboutie, mais qu'importe "ce n'est pas la destination qui compte mais le chemin parcouru pour y arriver", comme on entend parfois. Le dessin est juste splendide, et les persos sont assez attachants, pas caricaturaux.
Une belle histoire riche en émotions. Des dessins sublimes qui recréent les paysages neigeux à la perfection.
Excellent album, une histoire touchante et noire qui laisse place à l'espoir à la fin. Un dessin magnifique et original, c'est superbe
Pas emballé, un road moavie qui n’a pas vraiment de sens et dont j’ai encore du mal à m’expliquer les motivations. Je trouve que les personnages flirtent avec la caricature et j’ai eu du mal à m’y attacher. Les paysages sont par contre réussis et l’ambiance hivernale et humide des planches nous feraient presque greloter. A lire tout de même, c’est une histoire rare et originale.
Incontestablement l'une des BD les plus réussies de cette fin d'année et un vrai coup de coeur en ce qui me concerne.
De l'aventure, du voyage, de l'émotion, des personnages attachants et bien croqués (le jeune orphelin Florentin, Blanca,...), lecture fluide, originalité du trait qui se marie parfaitement à l'ambiance glaciale et poétique de cet album. Que demander de plus...On tient une BD de qualité, c'est du tout bon!