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abcaro et Serge Carrère font revivre à nouveau le personnage emblématique créé par Greg il y a plus de cinquante ans. La tâche est forcément ingrate, tant le créateur d'Olivier Rameau avait su donner une personnalité à sa série. De plus, après plus d'une quarantaine d'albums, bien malin qui trouvera des nouvelles situations pour animer le plus infatué des beaux causeurs de salon.
Techniquement, Fabcaro, un spécialiste du format court et des récits sous forme de strips (cf. Amour, Passion & CX diesel, Mars ! et l'inénarrable Zaï, Zaï, Zaï, Zaï), a dû s'adapter aux logorrhées continuelles imposées par le héros. Talon cause, développe et abrutit son public, Hilarion Lefuneste en premier lieu. Le vrai problème vient de la dichotomie entre la personnalité même du cerveau-choc (une caricature du bourgeois né dans les années soixante) et l'univers contemporain dans lequel le scénariste l'a plongé. Talon se retrouve doublement décalé : dans sa façon d'être, héritée d'une tradition classique et face à la modernité qu'il affronte (internet, téléphone portable, etc.). Les histoires mettant en scène un René Goscinny devenu éditeur sont, par exemple, très représentatives de ce déphasage culturo-temporel. Résultat, les réactions sonnent souvent faux et, malgré le talent indéniable de gagman de Fabcaro, elles peinent à provoquer beaucoup d'hilarité.
Graphiquement, Serge Carrère essaye intelligemment de ne pas faire du Greg et c'est tant mieux. Son trait, plus « touffu » que celui qu'il utilise pour Léo Loden, est bien en place et les protagonistes sont pleins de vie. Il offre également quelques belles scènes de foule grouillantes de diversité dans lesquelles il n'a visiblement pas ménagé sa peine. Par contre, la mise en couleurs particulièrement insipide et peu inspirée de Mel ne rend malheureusement pas hommage aux efforts du dessinateur.
En résumé, si Achille a su rester simple fait perdurer le mythe, il peine à convaincre et à séduire.
Je ne suis pas du tout d'accord avec la critique.
Ou plutôt complètement d'accord mais pas ressenti la même chose.
Pour moi le complet décalage de Talon avec l'univers contemporain permet justement de dire des choses nouvelles qui n'étaient pas chez Greg. Et le second degré sur certaines planches où le scénariste casse le quatrième mur montre bien que ce décalage est assumé dans l'oeuvre mais aussi dans l'idée même de reprise d'une série des années 60, Fabcaro n'est pas dupe et ne cherche pas à nous duper en nous vendant du Greg comme d'autres le font avec Ast...
Du coup c'est une bonne reprise à mon sens; on garde l'esprit en modifiant le propos pour proposer quelque chose de nouveau.
Les louanges du travail de Carrère s'appliquent à mon sens au scénariste itou !