1958. Bruxelles devient la capitale du monde pour quelques semaines avec l'inauguration de la première exposition universelle depuis la fin de la deuxième Guerre mondiale. La nation se prépare à ces festivités, de son côté, Thomas n'a pas trop le cœur à rire. En effet, il est revenu au pays au pays car Rose, celle qui l'a élevée, est au plus mal. Après des années au Congo, le retour dans une Europe transfigurée va se révéler douloureux, à plus d'un titre.
Après Les temps nouveaux et Après-Guerre, Warnauts et Raives « remettent le couvert » avec Les jours heureux. Les héros vieillissent, le monde change, mais les rancœurs perdurent et la realpolitik est toujours aussi implacable. Même si la formule mêlant récit psychologique intimiste et grande Histoire commence à montrer ses limites, les auteurs proposent un panorama intéressant et complet de la situation mondiale. Alors que l'Expo 58 se voulait une vitrine de la modernité et d'une certaine cohabitation pacifique entre les deux blocs, elle ne fut qu'un mince écran de fumée face aux bouleversements à venir. En effet, la décolonisation est en marche, mais la nouvelle reste encore inaudible en Métropole. Le scénario joue tant mieux que mal sur ces différences de perception. Les « anciens » comme Thomas et Alice en sont encore a rabâcher leurs anciennes querelles, tandis que la nouvelle génération, Bernadette et Lucie, embrassent dangereusement les nouveaux combats du moment. Malheureusement, l'ouvrage peine à convaincre totalement : les nombreux passages présentant le contexte politique sont bavards à en être indigestes et les scènes plus intimistes mal intégrées. Le résultat est souvent lourd, loin de l'efficacité et de l'élégance des tomes précédents.
Graphiquement, le trait réaliste des dessinateurs est toujours aussi efficace et agréable. Les rues des villes et l'inévitable la vallée de l'Aisne respirent l’authenticité, spécialement par l'entremise des excellentes couleurs de Raives. La mise en page classique mise sur la simplicité et se révèle également au point. Bien, voire même trop, campé dans ses ornières, ce premier volume des Jours heureux ne bouleverse pas le Neuvième Art et devrait séduire les amateurs de drame humain finement raconté.
"A lire absolument" pour tous ceux qui suivent le parcours des protagonistes, notamment Thomas, depuis "Les temps nouveaux". A bon album du duo belge qui poursuit son travail sur l'histoire du plat pays et de sa relation avec son ex-colonie africaine (le Congo).
Un dessin toujours affuté et des dialogues pertinents.