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aître difforme dans un cul-de-basse-fosse n’est pas la meilleure façon de débuter dans la vie ! Et même si l’existence vous concède finalement quelques faveurs, elle sait vous les faire chèrement payer.
Voici de nouveau réunis Zidrou et Porcel. Après un Folies Bergère d’anthologie, le duo investit le Moyen-âge pour un conte à la morale cruelle. Si l’histoire en elle-même s’avère, sur le fond, des plus banales, le ton employé, les mots utilisés, l’ironie distillée, le découpage proposé lui donnent une toute autre dimension. Vous l’aurez compris Bouffon, s’illustre dans la manière et apparaît d’une étonnante modernité, même s’il narre les déboires de tristes hères en des temps où la vie ne tenait qu'à un fil, souvent très tôt rompu. Encore une fois, Zidrou fait preuve d’une lucidité cynique et d’un sadisme consommé, même s’il ne peut toutefois se départir d’une certaine empathie envers les personnages qu’il martyrise. Évitant de juger sans pour autant excuser, il remet chacun à sa place et devant ses contradictions avec une poésie qui atténue la dureté du propos.
Une fois n’est pas coutume, les mots l’emportent sur le trait. Sans démériter, le dessin de Francis Porcel se met au service du script et non l’inverse. Et si les tenants du réalisme historique auraient aimé un graphisme plus... réaliste, le dessinateur ibère sait faire transparaître toute la laideur intérieure d’une belle brochette de nécessiteux ou d’édiles.
Triste récit que celui de ce bouffon, qui au lieu de distraire, ramenait à la vie les femmes en âge de la donner… sans qu’aucune ne songeât, un instant, à l’en remercier !
J’ai beaucoup aimé ce récit imaginé par Zidrou sur un thème qui ressemblerait un peu au Bossu de Notre-Dame. L’auteur confirme son immense talent en se diversifiant et en allant sur le terrain du conte médiéval.
J’avais éprouvé quelques inquiétudes au tout début mais elles se sont vite dissipées. C’est brillant grâce à une mise en scène hors-pair. La narration est très inventive dans son classicisme. On ne perdra pas une miette jusqu’à la fin.
C’est un conte certes mais qui n’est pas destiné aux enfants. Cela sera noir et cruel comme l’est la bassesse humaine. Au milieu de cela, le démon n’est pas celui que l’on croit. Il faut aller au-delà des apparences même répugnantes. Il ne suffit pas d’avoir l’air sympa pour l’être.
Le bouffon est une œuvre forte à l’image de son héros qui traverse toutes les épreuves de la vie avec un magnifique courage et un cœur en or. Il arrivera à insuffler la vie au milieu de ce monde triste où la guerre et la famine font des ravages. Sombre et profond, certes mais avec un espoir.
Bouffon est aujourd’hui une insulte. Cela n’a pas toujours été le cas dans l'histoire de notre pays. Il était une fois un prince pas aussi charmant que cela mais profondément humain.
Une toute bonne découverte!
Un récit plein de poésie dans un moyen âge crasseux à souhait mais qui sonne tellement juste!
A vous faire aimer la vie tout en rendant la nature humaine détestable... Dans la veine du Folies Bergères qui voguait dans le même registre tout en abordant une période complètement différente, un récit qui vous prend et vous tient pendant longtemps.
Peu importe l'hyper réalisme du dessin ou pas, c'est avant tout un moyen-âge très justement documenté qui nous est proposé par le dessinateur.
Et malgré le postulat de départ assez difficile à avaler et une langue contemporaine parfois trop dans l'anachronisme, c'est un récit qui ne vous lâche pas facilement.