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Les chroniques de Magon 1. Les enfants de la Cyberchair

14/10/2003 8320 visiteurs 6.0/10 (4 notes)

Bonjour. Tout d'abord, pouvez-vous vous présenter?

Guillaume Lapeyre Oui, alors Guillaume, 24 ans, brun, 1m75, 84 kilos mais j'ai perdu parce qu'on a acheté un vélo pour faire du sport. Dessinateur des Chroniques de Magon.

Elsa Brants Oui et il est pris au fait. Elsa, coloriste des Chroniques de Magon.

Nicolas Jarry Nicolas, scénariste.



Est-ce que vous pouvez décrire votre parcours? Comment êtes-vous arrivé à la bd?

G.L. Je fais de la bande dessinée depuis tout petit. A 12 ans, j'usais déjà les tables de ma grand-mère pour faire de la bande dessinée. J'ai eu un petit passage à vide parce que je voulais faire de la musique. J'avais un groupe mais on a splitté puisque les différents membres sont partis pour des raisons professionnelles. Je suis revenu à la bd puisque j'ai rencontré Elsa. J'en suis tombé follement amoureux dès le premier regard. Dans une association de bande dessinée, parrainée par un professionnel qui m'a mis mes premières grosses tartes dans la gueule en me drivant un petit peu, en me disant ce qu'il fallait faire et pas faire. Donc, on s'est mis, avec Elsa, à faire des bandes dessinées. Elle est venue à la couleur assez rapidement. Puis on a rencontré Nicolas par le biais de Christophe Arleston, lors d'un entretien à son magnifique Gottferdom Studio, là où il fait le Lanfeust Mag. Il nous a mis en relation avec Nicolas et c'est là qu'on est parti sur les Chroniques de Magon. On a mis donc 6 ans à sortir ce premier album...

N.J. Non, non. Ca n’a pas mis 6 ans de préparation pour l'album. On a mis un an et demi, deux ans.

G.L. Nous de notre coté, ça faisait 6 ans qu'on trimait, qu'on écumait les festivals le book sous la main... Et voilà.

E.B. Ben moi, je veux faire de la bande dessinée depuis que j'ai à peu près 12 ans. Je faisais des planches de bd les week-ends, les soirs, les vacances... Je faisais que ça. Je suis arrivé à faire une bd de 900 pages. C'était très rigolo. Ca ressemble un peu à rien mais c'était très rigolo. Ensuite, j'ai monté une association de bande dessinée avec 4 autres personnes, là où justement, quelques années après, j'ai rencontré Guillaume. Comme son dessin me plaisait énormément, et que je trouvais que j'avais des choses à dire, à la couleur sur son dessin, nous nous sommes associés. Et à partir de ce moment là, il a arrêté ses études de droit. Mes beaux-parents ont été contents (rires). Et pendant 5 ans, avant de rencontrer Nico, nous avons travaillé sans arrêt, jour et nuit, la bande dessinée. De temps en temps, on avait un petit job pour survivre. Et puis sinon, c'était chômage.

G.L. Parce qu’on n’a fait aucune école. Moi je suis autodidacte.

E.B. On est autodidacte. On a appris la bande dessinée sur le tas, en écumant, comme tu disais, les festivals, en rencontrant le maximum d'auteurs, d'éditeurs, pour avoir des conseils, pour s'améliorer.

N.J. Moi, je dessine pas depuis tout petit, mais j'écris depuis tout petit. Donc j'ai écrit des romans, qui ont été édités. Ensuite, j'ai connu par ce biais là Christophe Arleston. Et j'ai rencontré Guillaume comme ça.



Nicolas, comment es-tu passé du roman au scénario bd?

N.J. Déjà, en bouquin, écrire en dessous de 500 pages, moi je sais pas trop, donc j'ai eu du mal. C'est à dire que mes premiers scénarios bd faisaient à peu près 100 pages. Après, j'ai percuté que c'était 46 planches (rires). Et j'ai coupé la poire en deux et voilà.
Non, mais ça ne se travaille pas vraiment pareil. C'est à dire que c'est un travail intense et assez court, alors que le bouquin est un travail très long mais pas très intense. C'est un petit peu comme la nouvelle et le roman. Il y a un petit peu la même différence.



Je n’ai pas lu tes romans...

N.J. Je m'en vais tout de suite!

E.B. C'est pas bien. (rires)



... tes romans s'appellent Chroniques d'un guerrier Sînnam (NDR: 3 tomes, édités aux éditions Mnémos). Il y a-t-il un rapport avec les Chroniques de Magon?

N.J. Absolument pas. J'ai écrit ça, il y a assez longtemps maintenant. C'est vrai que j'ai commencé à les écrire il y a 8 ans. Et ça fait un petit moment maintenant que j'ai fini de les écrire. Je suis passé un petit peu à autre chose. En fait, quand j'ai écrit les Chroniques de Magon, c'était un titre provisoire. J'ai lâché ça comme ça. Et en fait, c'est resté. Mais ça n'a absolument rien à voir.



Guillaume, dans le trio, tu es celui qui sort son premier 46 pages avec les Chroniques. Quel effet ça fait, puisque les deux autres en ont déjà un derrière eux?

G.L. C'est clair. On a juste fait une petite apparition dans les Contes du Korrigan 2, chez Soleil. Treize pages, c'était pour se lancer. C'est mon premier album. Je suis très content d'avoir un premier album. Tout ce que je veux, c'est en faire un deuxième, puis un troisième et advienne que pourra. J'aimerai bien faire ça toute ma vie, si c'est possible. On croise les doigts. On va voir comment ça va se passer.



Elsa et Nicolas, vous, vous avez déjà un album derrière vous, avant les Chroniques. Est-ce que ça change quelque chose?

E.B. Pas tout à fait, parce que les Brumes d'Asceltis (NDR: paru chez Soleil), personnellement, j'ai travaillé dessus en même temps que Magon. Et j'ai fini les planches pratiquement en même temps. Donc pour moi, mon premier projet, c'était tout de même Magon. C'est tout de même plus émouvant pour moi, la sortie de Magon, parce que c'est mon bébé.

N.J. Pour moi, c'est un petit peu pareil. Le premier projet que j'ai, c'est celui qui va sortir en dernier. Magon, c'est le troisième, et les Brumes d'Asceltis, c'était le deuxième. Donc le deuxième est sorti en premier, le troisième en deuxième et le premier sortira en dernier. Et les Chroniques de Magon, c'est ce qui était pour moi de plus personnel, par rapport à Asceltis.



Quelle était l'idée de départ dans Magon? Faire un huis clos dans une ville entière?

N.J. Non, ce ne sera pas un huis clos. Déjà, la dernière page ouvre sur autre chose. L'idée de départ, c'était juste une image que j'ai eue dans la tête. C'était très rapide. C'était une masse de chair dans une cave qui enfantait une espèce de monstre. Point. Je ne savais pas si c'était sur Terre ou autre chose... Et après, j'ai vraiment bâti le monde tout autour, pièce par pièce, élément par élément, personnage par personnage. Et je suis arrivé à ça.

G.L. Et c'est vrai qu'il se concentre beaucoup sur les personnages et pas sur la ville entière. Donc c'est très intimiste.

N.J. C'est ça le coté huis clos peut-être.



Pourtant, la ville est quasiment un personnage dans les Chroniques. Si tu ne te concentres pas sur la ville, comment est-elle arrivée là?

N.J. En fait, ce n'est pas tant la ville que L'IBC. Mais effectivement, l'IBC est un personnage à part entière. Je le traite plus comme un personnage. C'est pas le monde qui m'intéresse. C'est vraiment l'âme de la ville. Et effectivement, à travers de ça, on peut comprendre beaucoup de choses.



Moi, personnellement, la grosse influence que je sens dans Magon, c'est Blade Runner. Déjà, est-ce que j'ai complètement tort?

N.J. Non, ça y ressemble. Mais je ne pense pas que j'écrive sous influence. Quand j'écris, j'ai envie de faire quelque chose. Je suis partie de cette image là que j'avais. Je savais que Guillaume aimait bien ces univers un peu sombres, Blade Runner, etc. Et je suis allé dans ce sens. Mais Blade Runner était une des pierres à toutes nos influences. Mais qu'il ressort ce côté là plus qu'un autre. Est-ce que c'est parce que c'est un petit peu subjectif?...



Moi, c'est clairement la voix off qui m'a donné cette impression.

N.J. La voix off? Ben non, j'ai deux romans où je travaille beaucoup en voix off. D'autres où je travaille moins en voix off. Ca dépend.



Justement, ce n'est pas très utilisé en bd.

N.J. Ca a un petit coté peut-être roman aussi, venant de moi.

G.L. Moi personnellement, j'ai pas pensé une minute à Blade Runner. Mais c'est très gentil parce qu'il y a pire comme référence donc je suis très flatté. J'aime beaucoup le film, c'est extraordinaire. Je suis un grand fan d'Harrison Ford, acteur magnifique, etc. Peut-être l'ambiance, le côté "il fait tout le temps nuit, il pleut, c'est un peu glauque"...

N.J. Désert, sombre, désespéré...

G.L. Pour le coté glauque, on s'est plutôt servi de jeux vidéos comme Resident Evil, Silent Hill, ce genre de choses. Là, c'est conscient. Blade Runner, ben merci.



Oui mais j'ai senti Blade Runner dans l'histoire, et pas du tout dans le graphisme...

E.B. Puisqu'on s'en est pas inspiré, c'est normal.

N.J. Je me rappelais même pas qu'il y avait une voix off dans Blade Runner.

E.B. Moi, je l'ai même pas vu.



Je voulais savoir quelle ville vous a inspiré pour la ville de Magon?

E.B. Plein!

G.L. Toutes les villes du moment que c'est baroque et gothique.

N.J. Vienne, Prague et compagnie...

G.L. Y a du Venise, Paris, Prague, St Petersbourg, Moscou...

N.J. Plutôt de l'Est on va dire, souvent...

E.B. Un petit peu de tout et beaucoup de Guillaume qui a tout retravaillé à sa sauce.



Guillaume, dans ta bio, je vois que tu as été influencé beaucoup par les comics. Et ça ne se voit pas dans Magon, on sent plus une influence manga. Est-ce quelque chose que tu as mis de coté, que tu as caché?

G.L. Comme je suis un autodidacte, j'ai commencé par copier ce que j'aimais. J'ai eu ma période Dragon Ball, Akira qui se ressent encore un petit peu, je pense. J'ai eu une grosse période Joe Madureira, dans le comics. Et puis des grands maîtres du comics. Il y a eu Spawn aussi que j'ai adoré, Greg Capullo est mon maître. Amen. Peut-être que j'ai privilégié le coté manga, qui reste. Je lis de moins en moins de comics, effectivement, même si je tombe toujours par terre quand je vois certains comics de maintenant comme Extreme X-Men, ce genre de choses. Peut-être qu'effectivement, ça a disparu un petit peu.



Pour les couleurs, pareil. En comics, on a plutôt l'habitude de couleurs très flashy et là, c'est assez doux.

E.B. Moi, je ne suis pas tellement inspirée des comics. Vu que c'est moi qui choisis, Guillaume n'a pas... Guillaume a son mot à dire, mais après que j'ai décidé des chartes de couleur. Et je ne me suis pas inspiré en particulier de quelque chose. Si, au début, quand j'apprenais à faire de la couleur toute seule, j'ai copié un peu à droite, un peu à gauche. Et puis au fur et à mesure, à force de copier, on trouve chacun notre moyen d'expression. Je pense que pour Magon, des couleurs flashy, ça n'aurait pas allé.

G.L. Nous, on fonctionne par ambiance. On aspire tout ce qui nous plait.

N.J. Tu ne trouves pas les couleurs oppressantes? Ah ben t'es bien le premier alors (rires). Ce qui nous remonte, c'est qu'on a travaillé dans des cotés rouge, assez glauques, assez sombres, un coté chair...



Moi j'ai trouvé plus un coté rose, doré...

N.J. et E.B. en choeur Rose???

N.J. Si ça se trouve, tu devrais aller voir un opticien. T'es sûr que tu n'as aucun problème de daltonisme?

G.L. Moi-même, je suis daltonien.

N.J. Après, c'est la sensibilité de chacun...

E.B. Mais où tu vois du rose? Sur la glace? Du mauve gris... C'est pas du rose, ça se distille...

G.L. C'est vrai que c'est un petit peu doux, à partir du moment où c'est en extérieur. Mais il y a quand même des scènes, à l'intérieur de l'hôpital, c'est quand même plutôt rouge, chez Myako où la relique attaque, c'est en flamme donc on a du rouge, orange...

E.B. La naissance du Xyeu, c'est tout en bleu. Et à la fin, quand il meurt, il y a une scène très poétique où il y a des larmes dorées de l'IBC mais c'est poétique...

N.J. C'est pas les chroniques de la lune noire. On n’a jamais cherché à faire un truc hyper violent. C'est pas notre volonté. Notre volonté, c'est de faire une bd avec des ambiances, une sensibilité. Elsa est quelqu'un de très sensible. Donc c'est peut-être ça, ce côté... Elle n'est pas rentre-dedans.

E.B. J'essaye de faire plus dans la subtilité.

N.J. Ouais, c'est ce côté là qui est travaillé. Il y a une certaine douceur. Je pense qu'il y a une certaine poésie sous-jacente. Après, c'est peut-être juste un problème de perception personnelle.



Et comment travaillez-vous là-dessus? Est-ce que Guillaume peut te dire "j'ai envie de faire ce genre de scène" ou Elsa "j'ai envie de faire ce genre d'ambiance"?

N.J. Oui, ça arrive sur certains scénarios, ils me disent "ah tiens, j'aimerai bien ça, ça et ça". Alors hop! J'intègre où je veux, où j'ai envie. Il y a un échange. Et inversement.

G.L. A ce propos, j'aimerai bien... (rires)

N.J. Il y a une interaction, une complicité assez bonne.

G.L. C'est du ping-pong à trois.



Est-ce que ce processus ralentit l'album?

N.J. Non, du tout. Surtout qu'on a prévu le prochain pour Mai prochain.

G.L. On a préféré bien réfléchir une petite année, avant de démarrer la série...

N.J. Réfléchir et travailler. Guillaume a quand même fait 22 pages préparatoires.

G.L. ...Voilà, pour bien définir à quoi ça allait ressembler, bien réfléchir. Et maintenant, on se lance. On sait exactement à quoi ça doit ressembler et ce qu'on doit faire. Donc maintenant, c'est quasiment de l'abattage.



C'est prévu en combien de tomes?

N.J. 5 tomes.

G.L. A part si ça marche pas (rires).

N.J. A ce moment là, ce sera deux.

E.B. Voire un.



Puisque là, vous êtes en festival, vous rencontrez vos lecteurs. Quels sont les retours que vous avez?

N.J. Les retours sont plutôt bons. Les libraires apprécient la bd. Et les gens nous en apportent pas mal pour nous les faire dédicacer donc on va pas en demander beaucoup plus.

G.L. En même temps, je vois mal quelqu'un qui n'a pas aimé la bd venir à la dédicace. C'est un peu trompeur quand même.



Quels sont vos projets à part Magon?

N.J. Ben moi, en tant que scénariste, j'ai plus de projets qu'un dessinateur qui a une charge de travail énorme. Donc, j'ai pas mal de projets chez Delcourt effectivement et un ou deux chez Soleil qui vont sortir l'année prochaine.

G.L. Nous, on prépare un collectif du même type que les contes du Korrigan, mais autour de Brocéliande, avec Nicolas et Elsa pour moi, où on est un petit peu plus libre. Les contes du Korrigan, on était un peu obligés, enfin obligés... c'était mieux de respecter une iconographie bretonne. Là, on est un peu plus libre. Donc encore un petit collectif... L'illustration du prochain roman de Nicolas, qui nous a offert cette chance là. C'était pas gagné. On a beaucoup travaillé aussi. C'était la première fois que je faisais une illustration de couverture de roman. Ca n'a pas été sans peine. Et il y aura bientôt plein de choses. On est plutôt du genre actifs. J'ai envie de faire ça. C'est une passion extraordinaire. Plus il y a de travail, mieux c'est. On n’est heureux que surbooké.



Elsa, des projets de dessin?

E.B. Pour l'instant, j'aimerai me concentrer surtout sur les projets que j'ai. Si jamais je partais directement dans le dessin, dans mes projets à moi, je retarderai les autres. Et j'ai pas envie. Je veux me concentrer sur ce que j'ai déjà. Je ne veux pas ralentir tout le monde.



Tu ne risques pas de ne jamais te lancer à ce moment là?

E.B. Mais c'est prévu en fait.

G.L. Elsa est très organisée. Elle m'a fait un planning sur quatre années, avec tous les mois...



Merci à vous.

Interview réalisée par Cubik au festival Delcourt à Bercy le 21/09/2003.

Par cubik
Moyenne des chroniqueurs
6.0

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