D
ans leurs domaines respectifs, ils sont considérés comme les meilleurs scientifiques de leur génération et pour le bien de l’Homme, ils viennent de créer World Corp. Mais le bonheur de l’Humanité est-il directement tributaire du quotient intellectuel de quatre individus, même les plus brillants ?
Nowhere men se mérite ! Les amateurs de lecture facile et rapide qui tenteraient l’aventure en seront pour leur frais ; car, sans nécessiter une maîtrise en sémiologie comparée, le scénario concocté par Éric Stephenson impose quelques pauses et pas mal d’allées et venues. En développant une même histoire, mais en faisant voler en éclat le concept d’unicité de temps et de lieux par l’utilisation de plusieurs modes narratifs qui vont de faux extraits d’archives, aux vieux articles de presse, voire quelques interviews, sans parler des flashbacks récurrents, le directeur éditorial d’Image Comics, malmène ceux qui apprécient les récits linéaires ! Si, du moins au début, l’ensemble peut apparaître décousu, le scénariste fait en sorte que cette structure atypique devienne progressivement une évidence. Toutefois, Éric Stephenson ne parvient pas à donner toute la consistance souhaitée à la réflexion que sous-tend son script, et seul le traitement graphique de Nate Bellegarde confère à cet album un petit air Rock’n’roll, sans pour autant se départir d’un statisme renforcé par la mise en couleur par trop informatisée de Jordie Bellaire.
Nowhere men essaye de dépasser le simple cadre du comics de supers héros pour s’essayer à aborder des questions plus existentielles. En soi l’intention est louable, mais pour l’instant la sauce ne prend pas, un peu comme si Pamela Anderson parlait de mécanique quantique !
Une couverture originale et intrigante orne ce premier tome de Nowhere Men.
Les dessins et la colorisation sont classiques et épurés, de manière à mettre en valeur le scénario plutôt que les graphismes.
L'histoire démarre lentement, peut-être trop, avec un groupe de scientifiques brillants, leurs expériences, leurs complications. Il y a de nombreux points de vues avec des aller-retours entre passé et présent, ce qui rend le début confus. Des textes et des bonus parsèment le comics afin de construire un univers intéressant. C'est au lecteur de regrouper les différentes pièces du puzzle pour comprendre les causes et les conséquences des activités de la World Corp. Certains passages n'apportent rien à l'intrigue mais contribuent à l'ambiance générale. Une impression de répétition ressort de la lecture, surtout concernant les états d'âmes des scientifiques. On ressent l'influence des séries "survival", de superhéros (4400, Heroes) ou fantastique (X-files, Fringe). Sauf que l'alchimie ne fonctionne pas complètement. L'action n'arrive qu'au tiers du tome et elle peine à démarrer. Par contre la dernière partie finit de poser toutes les bases de la série avec un regroupement des différents points de vue. En espérant que la suite soit plus punchy et moins brouillon.
Nowhere Men est le récit des excès d'une science sans éthique et sans garde-fous. Il y a de bonnes idées dans ce premier tome, mais elles sont confuses et manquent de maturité.