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ologne, début des années quatre-vingt-dix. Alors que le mur de Berlin et le rideau de fer viennent de s'écrouler, toute une population goutte enfin à une liberté toute fraîche. Que faire de celle-ci, particulièrement quand on a vingt ans et qu'on aime la fête et la musique ? Ouvrir un club et organiser des fiestas mémorables, évidemment !
Marcin Podolec raconte la vraie histoire du Fugazi Music Club, établissement qui, pendant une petite année, électrisa toute une nation d'une énergie nouvelle. Pour ce faire, le scénariste a eu la chance de rencontrer les acteurs de ce moment clef de la vie culturelle de la patrie de Chopin. À partir de ces témoignages et d'une foule de photographies (quelques-unes sont montrées en fin d'album), il a composé une fable centrée sur l'humain et l'amitié avec, comme toile de fond, les grands bouleversements traversés par son pays. Mais, avant tout, il s'agit d'une vraie aventure que Waldek et ses potes ont traversé. Rois du système D, ceux-ci réussirent, à partir de rien, à créer une salle de spectacle déjantée, à organiser d'innombrables concerts (dont un hallucinant festival de vingt-et-un jours de musique non-stop), durent contrôler des bandes de skinheads venus pour la bagarre, s'arranger avec des policiers corrompus, sans oublier quelques démêlés avec la mafia locale. C'est d'ailleurs les menaces plus qu'appuyées de cette dernière qui les forceront à fermer boutique.
Douze mois de folie que Podolec concentre, triture et restitue d'une manière magistrale. Guidée par l'énergie du moment, la narration va dans tous les sens (retours en arrière innombrables, apartés décalés, scènes oniriques, découpage déconstruit, etc.), tout en restant fermement accroché à son fil rouge : les trois compères et leur soif de vivre. Même si la bière coule à flot et que les pétards tournent à en faire perdre la tête, le récit garde toujours les pieds sur terre. Ce savant mélange entre la folie de la nuit et la réalité du jour synthétise, d'une certaine façon, tous les espoirs et tous les défis que la chute du communisme engendra pour la jeune génération polonaise.
Au même moment, à Manchester, The Haçienda donnait le ton, à Varsovie, c'est bien le Fugazi Music Club qui menait la danse ! Drôle, touchant et souvent incroyable, l'ouvrage est particulièrement recommandé aux amateurs de gros sons et de diversité culturelle.
Je suis tombé un peu par hasard sur l'émission phare de la première chaîne où des jeunes essayent de chanter devant un jury de stars professionnelles bien connues. Quand ils n'ont pas appuyé sur le bouton rouge et qu'ils ne se retournent pas, je suis abasourdi par les remarques qu'ils font pour justifier la non-sélection. Les malheureux candidats sont couverts véritablement d'éloges et repartent bredouilles.
Le principe est un peu le même pour la BD qu'il s'agit de noter. Cependant, généralement, je la descends à coup de massue. Là, j'ai envie de répondre par une critique du type : j'ai pas retenu ton œuvre car ce n'est pas mon univers. Oui, il faut avoir envie de découvrir les lieux branchés de la capitale polonaise suite à la chute du Mur. L'univers rock grunge et underground à la sauce skinhead est à mille lieues du mien et je n'ai pas trop envie de le connaître.
Le problème de cette BD est qu'elle parle à des gens qui ont certainement connu ce lieu mythique qu'était le Fugazi. Cela peut leur parler. Or, cette photographie m'est totalement étrangère. La nostalgie n'opère que quand elle touche le cœur des gens. Or, c'est trop catégoriel et trop brouillon dans la narration.