C
hroniqueur judiciaire dans un canard parisien, Élias a une réputation d'emmerdeur névrosé. Il râle pour tout et rien et, tel un Don Quichotte moderne, entreprend des combats perdus d'avance, partisan, par exemple, du rétablissement du savon dans les toilettes. Un matin, sans prévenir, la béatitude lui tombe dessus. Élias se réveille heureux, rien ne semble entamer son bien-être, tous les tracas du quotidien qui le faisait sauter au plafond se sont transformés en petits plaisirs ou en pépins sans importance. Assis en terrasse, savourant un café et la bêtise d'une mère de jumeaux excédée par sa poussette XXL, il rencontre Sabrina, accoucheuse des âmes et des corps. Pour elle, rien d'extraordinaire, Élias vient d'accoucher de lui-même, il faisait tout simplement un déni de bonheur.
Avec ses deux héros foutraques et hauts en couleur, Olivier Delasalle présente un véritable apprentissage de la sérénité. Souvent galvaudé et utilisé à tort et à travers, le fameux Carpe Diem invite à vivre intensément l'instant présent, non pas dans des excès sybarites mais en cessant de se projeter sur le passé ou le futur, sur les peurs ou les envies. L'exercice passe par le lâcher-prise sur les impondérables tout en appréciant les petites choses auxquelles l'homme pressé ne fait plus attention. C'est à cette condition que chaque seconde se densifie en un concentré de sensations. Le journaliste cynique et ronchon se découvre un goût pour les futilités : un air de musique dans le métro, un rayon de soleil, un vol d'oiseau... au grand désespoir de son patron. Il ne se laisse plus envahir par les événements qu'il ne contrôle pas. Il rate le métro, quelle importance, le suivant est dans deux minutes ! C'est ainsi qu'il laisse entrer dans sa vie Sabrina. La jeune femme cherche aussi sa félicité mais sur une autre voie : la pratique assidue d'un judaïsme empreint d'humanisme. Du point de vue de la forme, aussi novice que le scénariste, la dessinatrice propose un crayonné surligné d'encre et de lavis, un noir et blanc sobre et efficace pour mettre en scène cette bouffée d'optimisme.
Hommage à la sagesse de l'excentricité, hymne au ralentissement du temps, un premier album tout bonnement excellent.
J'ai bien aimé cette histoire qui est une véritable odyssée à la recherche du bonheur. Ce dernier peut se trouver dans des choses qui paraissent insignifiantes mais qui en disent long.
C'est une première aussi bien pour le scénariste que la dessinatrice suisse. Et pour une première, c'est déjà pas aussi mal. J'ai aimé le ton de ce récit ainsi que le graphisme tout en finesse. On va voyager de Paris à Israël dans une véritable quête du bonheur et de la sérénité.
En conclusion, une oeuvre assez positive malgré les tracas de la vie. L'optimisme ne sera pas béat comme on pouvait le craindre. Une lecture qui peut faire du bien aux lecteurs grâce à ce regard décalé.