L
ouis le Quinzième aime prendre soin de ses sujets. Aussi, leur dépêche-t-il Antoine de Beauterne, son porte-arquebuse personnel, pour mettre fin aux agissements sanglants d’un monstre qui sème l’effroi en Lozère. Arrivé prestement sur les lieux, l'émissaire royal est en mal d’animal, mais pas de victimes…
Plus de deux-cent-cinquante ans après, la fameuse bête du Gévaudan continue de défrayer la chronique et d’inspirer tant et mieux. D’aucuns y voyaient l’instrument du châtiment divin, d’autres l’œuvre du Diable. Plus prosaïquement, le mythe véhicule la part animale, les déviances et les peurs d’un territoire longtemps tenu à l’écart de tout et de tous. Par un concours de circonstances, cette affaire – au départ strictement locale - devint nationale et menaça un temps l’équilibre d’un royaume qui se remettait difficilement de la guerre de Sept Ans. Alors meute(s) de loups ? Hybride dressé pour tuer ? Meurtres sciemment organisés ou crimes déguisés ? Peut-être que le Bête est un peu de tout cela à la fois !
Sur un sujet aussi riche, Aurélien Ducoudray reprend nombre d’éléments historiques et les agence à sa guise dans une fiction où l’essentiel ne s’articule pas forcément autour des bouffées lupines de quelques individus ou le désir de certains nobles à se venger des Grands jours d’Auvergne. Au-delà du sensationnel, il est une histoire, celle de Barthélémy qui devrait acquérir de l’ampleur dans le cadre du second volet du diptyque… Sur une telle base, le choix d’un dessin réaliste était plus que tentant, mais aurait irrémédiablement connoté l’album pour ce qu’il n’est pas : un récit historique ! Aussi, recourir aux services d’Hamo évite toute confusion. Avec un trait emprunt de naïveté, mais capable de véhiculer les humeurs et émotions des différents protagonistes, il donne toute la vraisemblance voulue à cette histoire… et esquive, visuellement, les pièges d’une historicité trop prégnante.
Énième variation sur une légende qui suscite encore aujourd’hui les passions comme la controverse, La malbête vient apporter sa modeste contribution à une bibliographie déjà très riche.
La malbête est encore une évocation de la fameuse bête du Gévaudan qui terrorisa cette région au cours d’une période bien définie du Moyen-Age. Ce loup géant fit de nombreuses victimes entre 1764 et 1767 dans l'actuelle Lozère. On estime qu’il y a eu entre 88 et 124 cas recensé. De nos jours, 18 attaques de requin à la Réunion dont 7 mortel depuis 2011 ont provoqué une grave crise dans ce département d’outre-mer français. On imagine ce que cela devait être pour la Lozère à une époque où les médias n’existaient pas.
Il est vrai que la littérature et le cinéma ont souvent exploité cette histoire qui dépasse le fait divers. On se souvient tous par exemple du fameux Pacte des Loups de Christophe Gans avec une théorie pour le moins intéressante. Il faut savoir qu’il existait 20.000 loups en liberté à cette époque mais ils fuyaient plutôt l’homme. Visiblement, ce loup pas comme les autres agissait un peu comme le requin solitaire du film The Reef.
J’ai beaucoup aimé les réflexions du porte-arquebusier du roi Antoine de Beauterne sur les inégalités. Il arrive à percevoir chez un jeune garçon protestant du potentiel. Il faut voir au-delà des apparences des êtres. Il est vrai que j’apprécie ce réalisme qui confère à cette œuvre une bonne dose d’humanité.
Au final, je n’ai pas été déçu par ce premier tome bien au contraire. On suivra ce diptyque de qualité avec le plus grand plaisir. Si on connait tous le destin de la bête, on ne sait rien de celui du jeune Barthelemy.
Cette histoire n’est pas uniquement celle de la bête du Gévaudan. Elle mêle personnages historiques et personnages de fiction, et traite aussi de sujets telles les frictions entre religions protestantes et catholiques ou encore la jalousie d’un fils volage. Avec un dessin « semi-réaliste » les auteurs nous offrent une BD de bonne facture même si dans ce premier volume l’action est minimaliste.