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our tous les mélomanes de la planète, le nom de Glenn Gould est synonyme de maître, de virtuose. Même s'il est aussi connu pour ses excentricités, le pianiste a laissé une empreinte majeure dans l'Histoire de la musique classique. Ses versions des Variations Goldberg de Johann Sebastian Bach sont un bestseller depuis plus de cinq décennies et sont toujours considérées comme la référence pour ce compositeur. Artiste tourmenté, psychotique diront certains, il n'a cessé, tout au long de sa courte vie (il est décédé à cinquante ans), de chercher l'interprétation parfaite, d'entrer en communion avec le cœur des partitions. Chose rare dans le domaine artistique, son œuvre montre qu'il a réussi.
Pour raconter ce personnage brillant, mais tellement inquiet, Sandrine Revel (La lesbienne invisible, Un drôle d'ange gardien) a choisi une approche traditionnelle du genre : frappé par une hémorragie cérébrale qui allait l'emporter, Gould se souvient de différents épisodes de son existence. Sur ce canevas fait d'allers et retours, entrecoupé des souvenirs de ses proches venus à son chevet, la scénariste mène une subtile enquête pour comprendre la nature intime du musicien. Comment un enfant, certes doté d'un don pour le piano, va réussir à bouleverser le public de tous les continents ? Pourquoi va-t-il, à trente-deux ans à peine, abandonner ses tournées si enrichissantes pour se concentrer uniquement sur ses enregistrements ? Le psychisme de l'individu est complexe, à la limite de l'autisme : renfermé sur lui-même à en être quasiment asocial, hypocondriaque - il se bourre de médicaments divers -, obsessionnel à ne vouloir jouer que sur son piano - celui-ci sera gravement endommagé lors d'un déplacement, plongeant le concertiste dans la dépression - et infiniment perfectionniste - il multiplie les prises de son jusqu'à l'épuisement. Tout ça dans un seul but : le disque ultime, celui sur lequel l'enchaînement des notes est le plus naturel.
Pages après pages, Revel raconte consciencieusement cette vie de forçat des portées, tout en soulignant, à bon escient, les petites étincelles (une rencontre, un paysage, etc.) qui entretinrent la flamme jusqu’au-boutiste de cet interprète d'exception. Si le dessin ne remplace pas la musique (le lecteur trouvera néanmoins une discographie commentée en fin d'ouvrage), le style très pur de l'illustratrice réussit merveilleusement à retranscrire l'atmosphère feutrée des salles de concert et des studios, ainsi que les moments de grâce, quand les arpèges touchent les âmes. Le trait, qui rappelle parfois celui d'Emmanuel Guibert, est sublimé par la mise en couleurs magistrale ; les tons sont riches, francs et légers à la fois.
Au final, l'album sonne juste. Les exubérances de Gould sont remises à leur juste place d'anecdotes pour faire la place à l'homme, à son travail et à ses rêves de perfection.
Il est dommage que les plus grands génies de notre temps sont également des êtres fragiles et parfois un peu dérangés. C'est comme si la folie était une source d'inspiration divine. Cela fait froid dans le dos.
On n'envie pas la vie de ce pauvre Glenn Gould qui était solitaire et paranoïaque. Il est vrai que je ne le connaissais pas n'étant pas un spécialiste de la musique classique. On le décrit comme le plus grand musicien de notre temps. On apprendra qu'il fuyait les concerts pour préférer les enregistrements sonores.
Je trouve que ce portrait est plutôt bien réalisé mais il m'a paru assez froid et austère à l'image de ce personnage qui tenait pour acquis que le monde partageait sa passion pour les ciels nuageux et non pour le soleil. On reste quand même sur sa faim.