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es années passées au Congo belge ont fait d’Eugène un spécialiste de la culture du palmier. Mais en France, tout le monde s’en fout, de lui et de ses palmiers. Seule compte cette nouvelle usine que l’on voudrait voir s’installer aux abords de la ville et qui apporterait à la région emplois et développement économique. Il faudrait donc qu’Eugène cède son terrain et aille s’installer au centre-ville. Mais quand on a passé sa vie dans les grands espaces, cette perspective n’est pas des plus réjouissantes.
Dans cet album, Benacquista nous présente une Afrique paradisiaque et une Europe infernale. D’un côté la bonté et la joie de vivre, de l’autre la méchanceté et la tristesse. D’un côté une vie lente et pleine de quiétude, de l’autre une vie passée à cent à l’heure et pleine de violence. Difficile de vraiment croire à ce tableau enchanteur du continent africain. Quid des guerres qui déchirent certains de ces pays ? Quid des problèmes sanitaires et des maladies qui en découlent ? Quid de la pauvreté ? Serait-il possible de passer sa vie au Congo sans argent, sans soucis, sans rien ? Bref, que fait l’auteur de tous les problèmes qui se sont abattus sur l’Afrique ? Il les passe sous silence, tout simplement. Si la critique du mode de vie occidental est plus que pertinente, je pense que l’apologie du continent africain est exagérée.
Vous l’aurez compris, cet album m’a quelque peu gêné. A trop vouloir condamner l’Occident, l’auteur semble s’écarter de la réalité (que je ne connais toutefois que par écran de télévision interposé).
C’est plus au niveau du dessin (ou devrais-je dire de l’illustration) que cet album est exceptionnel. L’Afrique nous est présentée dans toute sa splendeur : des couleurs chaudes, des grands espaces, des paysages somptueux,… Toute la beauté d’un monde encore sauvage qui a résisté à la civilisation occidentale et qui s’épanouit pleinement. Mais les traits et les couleurs de Berlion, s’ils sont magnifiques en soi, servent la vision paradisiaque du continent africain. Bien sûr le monde décrit dans cet album est merveilleux, bien sûr je voudrais y passer ma vie, bien sûr je voudrais qu’un tel monde existe,… mais je ne pense pas que ce soit le cas. La passion de l’auteur pour ce continent est vraiment palpable, il l’aime et voudrait qu’on s’y intéresse. Mais il faut prendre garde que cette vision tronquée de l’Afrique n’occulte les problèmes qui s’y sont installés.
Cet album est donc une magnifique utopie et doit être traité comme tel. Un moyen de quitter notre vie qui, effectivement, est loin d’être idéale. Un moyen de s’évader, de rêver, de penser que le monde pourrait être meilleur. Dans cette optique, il n’y a rien à y redire. Du moins au niveau du point de vue adopté par l’auteur. Au niveau de l’histoire proprement dite, je n’ai pas vraiment été convaincu, j’ai éprouvé beaucoup de difficulté à m’attacher au personnage d’Eugène. Le lecteur devrait souffrir avec lui des railleries des villageois, il devrait partager ses joies et ses souffrances. Mais rien de tout cela ne se produit, le lecteur reste un simple spectateur et n’est jamais vraiment touché par l’histoire. Et c’est court. Très court. A peine ouvert, le livre est presque fini. Les cases sont très grandes et si elles permettent à Berlion de nous offrir des planches magnifiques, elles ne font pas vraiment avancer l’histoire. C’est peut-être voulu, c’est peut-être à l’image de la vie africaine, calme et lente. Mais on a l’impression que rien ne se passe. Bref, cette histoire gagnerait à être plus approfondie et les personnages moins caricaturaux.
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