À peu près au même moment, Vénéneuses et Juniors ont déboulé en librairie. Le parallèle entre les deux est évident et tient à quelques thèmes similaires : mal-être chez les jeunes, tentation du suicide, déliquescence de la société, perspectives bouchées… Bref, les deux ouvrages dressent un portrait amer et peu reluisant du monde actuel, où les espoirs se font rares pour une jeunesse en proie au doute.
Si le sujet est le même, le traitement est quant à lui radicalement différent. Tandis que Thomas Gilbert joue sur la corde sensible, avec un déchaînement d’émotions et de couleurs vives, Hervé Bourhis et Halfbob misent sur la sobriété et le noir et blanc. Il en ressort une sensation de profonde apathie qui offre une expérience de lecture inhabituelle, le manque de rythme et d’émotion n’étant pas ici un défaut. Au contraire, par petites touches, les auteurs suggèrent beaucoup de choses, dont un désespoir à l’intensité variable. À chaque instant, le lecteur est suspendu au fil de l’histoire, priant pour que les deux personnages principaux, Victoire et Maxime, fassent les bons choix. Pas comme Sarah, qui se trompe de voie. Il y a dans cette narration une sorte d’incertitude, et surtout une grande fragilité. Au fond, tout tient à très peu de choses : un « like » inopportun sur Facebook, un costume qui fait tache dans une soirée étudiante, une rencontre alarmante au cours d’une fugue, des routes qui se croisent un peu par hasard, une prise de conscience parfois tardive, etc. Dans la vie, chacun semble devenir équilibriste, position délicate pour un adolescent qui avance à l’aveugle.
Juniors est un album d’une simplicité confondante, mais d’une richesse qui se niche dans les détails. Le dessin est épuré, mais il crée une ambiance propice aux déambulations de héros à la recherche de repères. Le scénario est mince, mais profond par ce qu’il sous-entend. Assurément, une relecture n’est pas de trop, tant il faut se replonger dans cette atmosphère glaçante pour en goûter le sel. C’est un peu le triomphe du non-dit, qui reste à l’arrière-plan, comme induit, mais est au centre de tout.
Je ne suis pas un adepte de cette jeunesse underground ou smartphone qui n'hésite pas à taper les parents ou à mettre un uniforme nazi pour se faire remarquer. Bon, il est vrai que même un prince pas tout à fait charmant outre-manche l'a fait également mais ce n'est tout de même pas une raison.
J'ai fais abstraction de mes sentiments répulsifs envers le personnage central pour tenir jusqu'à la fin et découvrir ce que l'auteur voulait nous dire. Certes, le symbole de l'image est très combattu alors que les idées se propagent.
C'est une chronique sur une génération un peu perdue qui cherche ses valeurs. Le propos est presque choquant mais c'est pour la bonne cause. C'est un portait acide de cette jeunesse désinvolte qui n'a plus le sens de la responsabilité. Pauvre France !