A
près avoir inversé le cours d’une élection présidentielle à lui tout seul, l’intrépide journaliste Spider Jerusalem part en croisade contre l’ensemble de l’institution étatique qui essaye d’enterrer une sombre affaire de mœurs et de corruption. Fort de sa nouvelle réputation de redresseur de torts et de l’admiration que lui voue le peuple, il fera tout pour faire éclater ce scandale au grand jour.
Série mythique éditée chez Vertigo en 1999, Transmetropolitan dépeint un futur proche où les affres de l’ultra-libéralisme ont causé autant de misère sociale et morale que de dérives gouvernementales. Le scénariste Warren Ellis, qui signait dans les tomes précédents une parfaite satire politique, s’attelle dans cet arc à un sujet plus que jamais d’actualité : la liberté de la presse.
« Tu aurais comme qui dirait foi en la procédure, en la structure sociale et en l’efficacité des autorités ». Spider Jerusalem.
Les déviances de toutes sortes sont toujours de mise, finement analysées sous la plume d'un auteur jamais condescendant ou simpliste. Le reportage sur les rouages des campagnes électorales s’étant clôturé dans le volume précédent, celui-ci démarre sur un rythme moins enlevé, laissant Spider monologuer sur le malheur des foules au quotidien, sur la tristesse des pauvres gens. Beaucoup plus intimiste dans le traitement, la narration tient plus ici de la littérature illustrée que de la véritable bande dessinée. Le dessin de Darick Robertson ne s’en trouve pas amoindri, car il gagne en composition ce qu’il perd en dynamisme. Les planches enrichissent le propos, mettant en scène le journaliste dans ce qu’il sait faire le mieux : ressentir le vécu de la population sur le terrain, dans les rues. Il s’adresse quasiment au lecteur, lui parlant librement de ses angoisses sur un mode introspectif.
L’ambiance contemplative, sociologique de ce début de tome ne tarde pas à laisser place à la nouvelle chronique du journaliste Gonzo*. Il y croisera des pédophiles, des racistes, des flics véreux et des politiciens corrompus qui sont autant de dictateurs en puissance. Il les dénoncera tous, sans concession, au péril de sa propre vie.
À la fois version chauve de l’auteur et hommage à Hunter Thomspon**, Spider Jerusalem livre un combat pour la vérité qui s’accompagne toujours autant d’humour ravageur, vulgaire à souhait, et de propos pertinents sur la condition de l’homme urbain post-moderne. Véritable hymne au journalisme engagé, Transmetropolitan brille aussi par la compréhension de l’auteur de ce qu’allaient devenir les médias à l’heure d’internet. En 1999, Warren Ellis prévoit déjà l’arrivée de Twitter et des Pop-Up, sous une forme plus aliénante. Les articles de Spider nous font ressentir avec brio ce futur dystopique, décadent, et pourtant si proche de nous.
Mis en rogne après les multiples exploitations commerciales de son image mises en place par son éditeur (référence élégante à la vie de Hunter Thompson, confronté aux mêmes problèmes), Spider élargit d’autant plus son spectre d’analyse, n’hésitant pas à accabler le peuple servile, lâche et paresseux. Il se dépeint lui-même avec dédain, se blâmant pour ses fautes, pour toutes les fois où il est tombé dans les pièges qu’on lui tendait. L’artiste véritable, homme engagé, guidé par un mélange de rage, d’amour et de vérité, se retrouvera fatalement plongé dans la solitude, car même s’il a tout compris et qu’il dénonce, le peuple mesquin ne voudra de toute façon pas comprendre, et refera les mêmes erreurs encore et encore. Seul importe le combat, ne pas baisser les bras, pour se sentir vivre. Ces scènes de monologue intérieur où Spider maudit l’humanité toute entière du haut de son gratte-ciel montrent une fois de plus tout le talent littéraire de Warren Ellis.
Cette Année Trois fait écho à nos problèmes contemporains, anticipant les moyens de communication modernes tout en se référant aux traditions de l’éthique professionnelle, le tout accompagné d’un zeste de drogues hallucinogènes, de vulgarité répugnante et de violence gratuite : le cocktail est explosif.
* Journalisme Gonzo : Journalisme affectif, subjectif, au contraire du journalisme objectif, factuel.
** Hunter Thomspon : Célèbre journaliste Gonzo, connu pour sa couverture des élections présidentielles et ses écrits sur la mort du rêve américain (Las Vegas Parano, Hell’s Angels).
Et c'est reparti pour les chroniques du journaliste hors-la-loi Spider Jerusalem, toujours aussi timbré, dangereux et shooté a toutes les drogues possibles et imaginables dans sa recherche de la Vérité dans la Ville.
Dans ce troisième volume, Warren Ellis fait dans un premier temps, une légère pause dans la trame engagé à la fin du précédent volume, en nous montrant des monologues de son protagoniste, introspectif ou non, mais toujours aussi extravagants et hilarants sur le monde de la Ville toujours plus riche de merveilles (entres GROSSES parenthèses) à chaque répliques des personnages.
Et dans un second temps, Spider repart pratiqué sa vison "très personnelle" du journalisme pour nous faire découvrir de nous nouvelles intrigues politico-sociale pour déboucher sur une fin relançant encore l'intrigue qui ne nous donne qu'une envie : connaître la suite !!
Indispensable mais toujours aussi peu recommandé pour les timbrés et les âmes sensibles