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lors que l’individualisme semble devenir l’une des valeurs refuge du XXIe siècle, quelques expériences sociales vieilles d’à peine 70 ans s’invitent dans la sphère BD. Après Plogoff et Lip des héros ordinaires, 100 Maisons : la cité des abeilles permet de s’interroger sur l’évolution et le contenu de mots comme « solidarité » ou « entraide ».
1950, la France sort de la guerre et reste à reconstruire. À Brest, Bordeaux ou Valence fleurissent des initiatives qui, localement, répondent à la demande de logements neufs et surtout salubres.
C’est à l’une de ces initiatives, celle de la cité « Les Abeilles » de Quimper, que Marion Boé et Delphine Le Lay s’intéressent. La première n’en est pas à son coup d’essai puisqu’elle est déjà à l’origine d’un documentaire sur le sujet. Quant à la seconde, elle semble faire de la contestation bretonne un sujet de prédilection puisqu’elle signait déjà le scénario de Plogoff. À travers le quotidien de Jeannette, Marie-Anne, André et Victor, les deux scénaristes évoquent les quatre années que nécessita l’édification du fameux lotissement et s’attachent à des moments clef leur permettant d’illustrer les valeurs que véhiculait une telle entreprise. Malheureusement, il manque à ce récit une réelle mise en perspective sociétale des motivations de ce mouvement qui connut jusqu’en 1965 un certain développement. Qu’est-ce qui favorisa son émergence ? Quelles furent les contraintes techniques, administratives, politiques à surmonter pour faire reconnaître l’Apport-Travail ? Si de nombreux albums s’adonnent à la mode du cahier graphique, un cahier historique aurait pu être bénéfique dans le cas présent ! Et puisqu’il est question de graphisme, il serait injuste de passer sous silence le dessin émouvant d’Alexis Horellou qui donne à ce reportage une dimension résolument humaine. À l’image des personnages, il s’avère juste dans sa sobriété et sensible dans le choix d’une mise en couleur sur un camaïeu de gris.
Comme le résumait Etienne Damoran, l’un des initiateurs historiques du concept : "Pour la première fois, l’État français a accepté qu’un emprunt soit garanti, non pas par des biens matériels, ou par des capitaux, mais par du travail !". Il serait dommage de laisser une telle idée tomber dans l’oubli !
L'expérience sociale décrite dans cette bd est très intéressante pour lutter contre la crise du logement. Il est dommage qu'on ne réitère pas cette solution qui demande certes beaucoup de courage et de sacrifice. Et pourtant, nos grands-parents n'avaient pas peur de se retrousser les manches après leur journée de travail et pendant les congés et weekend. Dans notre société du loisir, cela ne passerait pas.
Le dessin est très sobre avec une tonalité très monochrome. Les auteurs ont évité l'aspect documentaire qui aurait pu être pesant en suivant le destin de deux-trois familles. La cité des abeilles possède une véritable âme. On aurait aimé suivre le quotidien de ces familles après la construction. De belles valeurs en perspective comme la solidarité. Oui, c'était une autre époque.
Ayant vécu dans le quartier évoqué (mais dans une maison finie en 1957 et non en 1954), je ne pouvais que me ruer sur ce livre dès sa sortie (ou dès le passage des auteurs à Quimper). Servi par un dessin très agréable et précis, avec une palette de nuances de gris très lisible), on suit deux familles dans la construction de leur maison... Hélas, on est vite confronté aux limites du nombre de pages... Même s'il y en a 142, on aimerait avoir plus d'information contextuelles ou suivre plus précisément le quotidien de ces familles... Dommage, on ressort de la lecture avec un sentiment un peu mitigé : on aimerait que ce soit plus long ou plus explicite. Je pense que le documentaire de la coscénariste Marion Boé doit comprendre une partie des infos manquantes, mais le lecteur que je suis aurait aimé les retrouver dans le livre.