S
'il est moins connu du grand public que Michel Rabatigliati (Paul) ou que le duo Dubuc-Delaf (Les Nombrils), Jimmy Beaulieu occupe, depuis plus de quinze ans, une place centrale dans le paysage de la bande dessinée québécoise. Curieux de son art, il a participé à la redécouverte des travaux d'Albert Chartier (Onésime), le « père » de la BD de la Belle Province. Auteur exigeant, il a créé sa propre maison d'édition, Mécanique Générale, pour garder le contrôle de ses créations, de l'écriture à la mise en marché. Durant cette dernière décennie, outre de nombreux albums remarqués (Comédie sentimentale pornographique, Ma voisine en maillot, etc.), il a participé à plusieurs revues (Spoutnik, Ego Comme X, Casemate, Spirou, etc.) avec de petits récits autobiographiques. Les aventures, planches à la première personne reprend ces pages sous la forme d'un fort volume de plus de trois cent cinquante pages !
En résumé, l'ouvrage suit le devenir du jeune homme, du début de sa carrière, à la mi-vingtaine, jusqu'à sa quarantaine et une certaine renommée (à défaut de la richesse). Déménagement à Montréal et peur de perdre ses amis, rapports familiaux contrastés, échecs (pour ne pas dire râteaux répétés) dans sa quête de l'âme sœur (rassurez-vous, tout finit bien), doutes existentiels et artistiques variés… Les différentes étapes de la vie de Jimmy ne diffèrent guère de ceux de monsieur Tout-le-monde. Les habitués des biographies dessinées (ou pas) ne trouveront pas grand-chose de très nouveaux à se mettre sous les pupilles. Une existence, marquée par la volonté de créer, avec ses hauts et ses bas, comme il en existe beaucoup des deux côtés de l'Atlantique.
Si le fond ne se démarque guère, la manière, quant à elle, mérite qu'on s'y arrête quelques instants. En effet, originellement publiées indépendamment sur une multitude de supports eux-mêmes très variés (magazines, albums solo ou collectifs et thématiques, etc.), le tout sur une longue période de temps, toutes ces histoires forment néanmoins un tout narratif des plus cohérents. L'organisation sur une base chronologique sert de cadre général, sur lequel viennent se greffer des épisodes plus ou moins autonomes, dans lesquels Beaulieu n'hésite pas à multiplier les aller-retours temporels ! Vous avez dit compliqué ? Même pas, car le scénariste ne perd jamais son fil rouge. Mieux encore, il ne cesse de compléter ses propos, de préciser sa pensée (les années passent, le recul sur soi s'affine) et, cerise sur le gâteau, évite les répétitions.
Graphiquement, Les aventures, planches à la première personne aura de la peine à séduire les amateurs de dessins léchés. Le trait lâché du dessinateur est typique de l'underground nord-américain et européen. Le style n'en est pas minimaliste pour autant : le Québec est montré d'une manière très vivante et précise, que l'action se passe dans un appartement montréalais ou sur la paisible Île d'Orléans. Au final, un album évidemment centré sur son sujet, mais qui, en plus de cette trajectoire, offre un portrait touchant de ce coin du Canada et de ses habitants.
Sur le même sujet :
Le blog de Jimmy Beaulieu.
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