C
inq ans déjà que Corrina Park se morfond dans cette agence de pub, cinq ans qu’elle n’a rien écrit d’autre que de mornes slogans pour d’insipides marchandises, cinq ans que s’étiolent ses rêves de romancière et ses aspirations littéraires. Engluée dans sa vie aliénante de citadine métro-boulot-dodo, mésestimée par ses collègues, snobée par son chat, désespérément solitaire, elle n’a que ses menus larcins à la supérette du coin pour se sentir un peu vivante. Jusqu’à ce qu’une succession d’événements anodins ne vienne peu à peu gripper cette mécanique résignée…
Michael Cho, illustrateur indépendant résidant à Toronto, publie ici sa première bande dessinée, sortie simultanément des deux côtés de l’Atlantique. Le thème est certes convenu, le sujet parfaitement balisé, mais le traitement tout en légèreté et nuances que l’auteur coréo-canadien en fait tempère le sentiment de déjà-vu face au sempiternel mal-être de ces jeunes urbains esseulés. Et si l’intrigue est bougrement mince, Corrina en revanche est dotée de suffisamment de profondeur pour créer l’identification et susciter l’empathie. À coups d’espoirs, de désillusions, de questionnements, l’auteur dresse un portrait attachant de l’héroïne, et par là-même de sa génération. Le traitement en bichromie rose et noire renforce ce sentiment ambivalent, cette atmosphère de rêves étouffés et de renonciation discrète. Une bichromie parfaitement maîtrisée par ailleurs : le dessin est très délicat, le jeu des contrastes révèlent les états d’âmes des protagonistes et les vastes décors de la cité - aux rues grouillantes d’anonymes rivés à leur portable - soulignent l’incommunicabilité omniprésente.
Représentation sans fard et – presque – désabusée d’une époque, Petite voleuse est avant tout une peinture intimiste et sensible d’une jeune femme en quête d’accomplissement.
Je n'ai pas été plus enthousiasmé que cela au sortir de ma lecture concernant cette kleptomane coincée dans son boulot de publicitaire et vivant seule avec son chat. Il y en a qui tueraient pour avoir sa place à une époque où le chômage frôle les millions de demandeurs.
Mais non, elle n'est pas contente et manifeste sa frustration en dérobant des magazines dans des supermarchés. Il est vrai que je ne suis pas parvenu à avoir un peu de compassion pour cette maladie de riche qui lui permet de se rendre enfin vivante au-delà d'un travail qui ne lui plaît pas ou d'une vie sentimentale assez morne. Cependant, à la fin, la morale sera quand même sauve.
L'auteur a voulu signé une sorte de fable urbaine sur la recherche du bonheur quand on mène une vie banale et tranquille. C'est une sorte de crique douce-amère du mode capitaliste de la société moderne notamment dans ses grandes mégalopoles. Le décor est d'ailleurs la mégalopole américaine de New-York.
Au niveau du graphisme, j'ai tout de même bien aimé cette bichromie rouge et noire qui arrive à un résultat plutôt intéressant pour décrire toute cette ambiance urbaine assez foisonnante. La lecture est plutôt fluide ce qui est une bonne chose mais le fond ne suit pas.
En effet, pour le reste, c'est beaucoup trop superficiel et léger pour moi sans une véritable approche intimiste et surtout sans traitement en profondeur. Cependant, je comprends que cela puisse plaire à d'autres lecteurs qui peuvent y trouver leur compte.