L
a prose de Jean-Patrick Manchette, quand on y a goûté une fois, il est difficile de s'en passer, et ce n'est pas Jacques Tardi qui dira le contraire ! Après La princesse du sang, Max Cabanes s'attaque à Fatale, neuvième livre de l'auteur d'Ô dingos ô châteaux. Originellement paru en 1977, ce prototype parfait du roman noir met en scène et déconstruit, plus que violemment, la petite bourgeoisie de province par l'entremise d'une tueuse en série en mission rédemptrice. Ça va saigner, mais ce n'est que justice.
Cabanes, assisté par Doug Headline, a choisi une approche ultra-respectueuse dans son adaptation. Dans sa tâche, il est grandement aidé et guidé par le style sec et limpide de Manchette, dont il réutilise les mots par l'intermédiaire de nombreux textes narratifs. Ces derniers, judicieusement placés au fil de l'album, permettent de détailler rapidement tel ou tel point secondaire du scénario, sans en briser le rythme. Le passage des lettres à la bande dessinée se révèle remarquable, à la fois respectueux et créatif.
Graphiquement, le dessinateur fait étal de tout son talent, particulièrement dans le domaine des textures et de la couleur. Cette maîtrise de la matière habille littéralement un trait réaliste et lui donne une espèce de densité quasiment tangible. La pluie vous glace l'échine, tandis que l'encaustique des intérieurs des parvenus de Bléville vous agresse les narines ! Par contre, si l'ambiance est parfaitement restituée, ces descriptions, frôlant un baroque parfois étouffant, se retrouvent un peu en porte-à-faux avec l'aridité volontaire de l'écrivain. Malgré ce bémol très mineur, cette version BD extrêmement maîtrisée de Fatale se dévore avec une certaine jubilation, celle de voir la médiocrité humaine se décomposer sous le poids de ses propres tares.
Elle s’appelle Mélanie Horst, ou Aimée Joubert, ou… Elle est belle et inaccessible, mystérieuse. Lorsqu’elle débarque à Bléville son arrivée ne passe pas inaperçue dans la bourgeoisie locale. Que veut cette femme indépendante qui s’introduit rapidement au sein des notables de Bléville? Les petits secrets inavouables de ce milieu clos et satisfait n’auront bientôt plus de secrets pour elle…
Rarement une BD n’avait décrit aussi précisément un portrait de femme. Tant graphiquement que dans son caractère, la constance impressionne tant qu’on croit voir un film. Si les dessins de Nada (et dans une moindre mesure La princesse de sang) étaient frustrant, jouant le très bon et le très passable, cet album est un régal visuel où le dessinateur alterne les plans, les textures, les lumières, parfois jusqu’à l’expérimental comme cette dernière séquence dans une lumière bleue crue, gonflée. La maîtrise est certaine. Chaque case présentant l’héroïne, quel que soit le plan, est incroyablement vrai, dès cette couverture étonnante, hypnotisante, ce regard qui nous happe… Max Cabanes est très fort pour croquer des visages. On aimerait connaître le modèle de son Aimée…
Tout le long les auteurs nous laissent en suspens, imaginant le but mystérieux de cette femme prête au meurtre dès les toutes premières pages. Finalement assez peu de dialogues dans ce récit d’une femme délicatement manipulatrice, magnifiquement supérieure. Pourtant seul le lecteur semble sous le charme, le microcosme provincial de Bléville semblant trop occupé dans son fonctionnement nombriliste pour se questionner sur les motivations de cette indépendante surgie de nulle part. Alors on pronostique, on spécule. Est-elle une veuve noire visant le mariage de ce notaire veuf? Est-elle une vengeresse ayant des choses à cacher? On ne le saura qu’à la toute fin, le temps d’une description minutieuse de cette bourgeoisie consanguine et corrompue que l’écrivain d’extrême-gauche se plait autant à décortiquer que ses barbouses de la Princesse ou ses anarchistes de Nada.[...]
Lire la suite sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2020/05/29/fatale/
Superbe. J'aime beaucoup le dessin et on se retrouve plongés dans une histoire de petite bourgeoisie de province... on se croirait dans un bon film de Chabrol avec tous ces personnages et toutes ces trognes. 'gros pouce vers le haut !
Un polar/thriller glauque et efficace. Un dessin et une colorisation parfaitement maitrisé, des personnages énigmatiques et nauséabonds, tout ce qui fait le succès du genre est réunit dans cet album. La chute, improbable, ternit un peu l'impression d'ensemble, mais un peu seulement.
A lire !
Une femme à la beauté froide et mystérieuse, sortie de nulle part, apparaît dans une forêt et abat sans sourciller un chasseur. Aucune explication. Voici comment débutent les premières planches de Fatale. Puis, on retrouve celle qui se fera appeler Aimée, dans un train qui l’amène dans la ville portuaire de Bléville. C'est à cet endroit que va se décanter cette histoire sombre et qui se découpe en 3 parties :
- la première faisant office de rapide présentation de cette énigmatique femme.
- La deuxième détaille sa capacité à se fondre dans la masse et ainsi s'acclimater rapidement à cette ville étrangère.
- la troisième, la plus accrocheuse, commence avec la très bonne confrontation avec le Baron (je parle bien de l'affrontement "sanguinaire") jusqu'au dénouement où tout va crescendo...
Sans être un lecteur de Manchette, je pose donc mon avis sans faire de parallèle avec l’œuvre. Mais ce one shot est, de mon point de vue, très réussi ! Le fils de l'auteur, Doug Headline, associé à Max Cabanes ont fait du chouette boulot. M. Cabanes est très habile dans ses couleurs tantôt sombres, tantôt légères et qui collent parfaitement aux ambiances décrites. Quant à son dessin, il est vraiment adapté à la noirceur de ce thriller. Brillant.
La scène la plus réussie étant celle évoquée plus haut (Aimée vs Le Baron).
Un bémol cependant... le dénouement et cette dernière case... qui me paraissent tellement invraisemblables...
Ce qui n'occulte en rien la qualité de ce roman graphique. Est-il une fidèle adaptation du roman ? Aucune idée. Mais un très bon moment de lecture, ça oui, j'en suis certain.
Assez beau, mais sans grand intérêt.
Je ne connais pas le roman de Manchette original, alors je ne peux juger cette BD que comme une oeuvre à part entière (et non comme une adaptation).
Et je dois avouer que je me suis royalement ennuyé :
. narration poussive, à coup de grands cadres trop verbeux (on est dans une BD, pas dans un roman...)
. histoire finalement un peu nébuleuse : quel est le but de "l'héroïne", pourquoi continue-t-elle à tuer, pourquoi une telle débauche de violence ?
. pas de pic de suspense et/ou de tension,
. une fin curieuse et pas palpipante du tout.
Le dessin plutôt agréable n'arrive pas à rattraper le tout. Peut-être aurait-il fallu un récit en deux tomes (comme dans la "Princesse du Sang" des mêmes auteurs, que je trouve quand même meilleur).
Bref, pour moi c'est une oeuvre ratée, une BD ratée (mais peut-être le roman d'origine est-il meilleur ?).
Un polar honorable, mais qui pèche à mon avis par un ton beaucoup trop narratif. Le dessin aux couleurs blafardes est réussi, malgré quelques approximations. L'ensemble se lit bien mais rien d'inoubliable toutefois.
Bonjour,
une précision concernant le Tirage de Tête normalement signé et numéroté de 1 à 777, mon exemplaire de TT est bien signé sur le tiré à part mais pas numéroté ! ! !
Ca c'est de la BD pour adulte!
Un peu de sexe, de la satyre bourgeoise, une critique de la province année 70, un révolutionnaire bougon et alcoolique, une femme sans gène...
C'est éblouissant de fluidité, de cohérence, de couleurs crues malgré la noirceur du scénario.
C'est indispensable!
C’est véritablement un best. On prend une bonne grosse claque d’entrée de « jeux ». Le décor est planté dés la première planche, avec sa chasse ou le chasseur devient proie et la prédatrice aussi belle qu’impitoyable en exécuteur. Et pourtant tout reste a découvrir…!!? Qui est elle?
Aimée, c’est le nom de l’horrible tueuse eh oui….!!! l’auteur a le sens de « humour » ,noir en l’occurrence. Eh bien cette charmante, au demeurant ,mérite de figurer au coté de Tyler cross,et notre Sergio leone aurait pu la prendre pour remplacer ce cher vieux clint. On ressent même des ambiance a la Hitchcock (psychose les oiseaux etc.…) Aimée a un comportement très paradoxale, a la fois inhumaine froide sans compassion et pourtant des petites choses nous sont offert par l’écrivain pour découvrir une nature plus en profondeur de cette âme tourmentée et finalement fragile dans ses sentiments.
Le dessin est une petite merveille et colle impeccablement a cette ambiance moite pour ne pas dire mortelle….!!! Les visages sont de bonne vraie gueules avec un charisme voir proche de la caricature genre « Audiard ». Les écritures dans les bulles sont intéressantes car quand les personnages parlent la typo est « genre » manuscrite donc « maladroite »au sens naturel du terme alors que la voix off est écrite au « propre » se qui aurait tendance a montrer une pensée claire précise et sans hésitation .LA encore opposition franche. Aimée roule a vélo alors que les bourgeois en grosses berlines(nota bene le baron roule en 4cv)
D’ailleurs c’est curieux, j’aie eu un éclat de rire (contenu) au moment de l’évocation : « le moment ne semblait pas proche pour se « goinfrer »de nouveau de choucroute » c’est vraiment bizarre car l’ambiance ne se prêtait vraiment pas a sourire voir a s’éclater de rire
Il y aurait tant a dire sur cette œuvre magistrale mais non lisait le……………