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ublié dans une édition spéciale noir et blanc à l’occasion des 75 ans de Batman, Silence est ce qu’on pourrait appeler un « classique moderne », pas aussi fondateur que The Dark Knight Returns ou Année Un de Frank Miller, mais un jalon important dans l'univers de l’homme chauve-souris. Il a en outre l’avantage d’être à la portée du néophyte, Jeph Loeb ayant concocté un scénario qui, tout en faisant appel à de nombreux personnages récurrents, propose un récit autonome palpitant.
Du début à la fin, l’auteur aura instauré un bel équilibre entre action pure et moments plus apaisants, permettant de vivre l’histoire au plus près des acteurs et de leurs émotions. Les tourments du Chevalier Noir, simple humain dépourvu de super-pouvoirs et marqué par l’assassinat de ses parents, ont bien sûr toujours été au cœur de la saga, mais, ici, Loeb plonge véritablement dans ses sentiments, au premier rang desquels la méfiance vis-à-vis de celles et ceux qui gravitent autour de lui. Le rapprochement intime avec Catwoman, par exemple, met bien en lumière l’extrême prudence avec laquelle il doit avancer et se dévoiler. Au rayon plus musclé, la succession parfaitement pertinente des différents méchants emblématiques de la galerie Batman offre son lot de courses-poursuites et de duels homériques, entretenant un habile suspense et maintenant un certain flou par rapport à celui qui, en fin de compte, s’avère être le véritable ennemi.
Tout cela, les aficionados de la série le savaient déjà. Pour les autres, au-delà du plaisir de la découverte, c’est la mise en valeur exceptionnelle du dessin de Jim Lee qui mérite à lui seul un grand format qui rend justice à la beauté et l’âpreté de son trait en noir et blanc. Bien que fouillé, l’ensemble reste on ne peut plus lisible, bénéficiant d’une narration et d’une mise en page exemplaires. À la fois fort et élégant, puissant et subtil, le graphisme est un modèle du genre, taillé sur mesure pour mettre en scène les fougueuses péripéties de héros en collants, tout en s'attardant sur les hommes et les femmes qui, sous le costume, vivent et meurent, aiment et haïssent.
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