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ntre un camion fou façon Duel de Spielberg, un tyrannosaure en plastique qui cause à un poisson rouge dénommé Syphilis et un shérif affrontant des zombies, les délires de Lucy Loyd ressemblent à des mauvaises blagues. Mais il se dit que ce sont les meilleures, alors, approchez !
Les ouvrages de Lucy Loyd commencent et finissent toujours par une porte, paraît-il. Le problème est qu'on ne sait pas sur quoi elles débouchent, tant la star du gore se joue de la réalité. Le principe de ce livre est, aux abords, extrêmement simple : un hommage aux EC Comics, en plus moderne, rappelant Clive Barker ou Stephen King. Les différentes histoires s'articulent de la manière suivante :
- un narrateur mystérieux et inquiétant qui prend un malin plaisir à assister aux déboires des protagonistes, voire à les provoquer ;
- une trame plutôt banale qui bascule dans le fantastique et l’horreur pour aboutir à des fins trash pleines d’hémoglobine et de corps démembrés, si ce n'est explosés.
Ah oui, il faut aimer le mauvais goût en tout genre, Lucy ne nous confiant pas juste de petits mauvais rêves.
Bon, les récits horrifiques – ou censés l’être –, vous connaissez certainement et, soyons honnêtes, ce n’est pas un style très facile à mettre en œuvre en bande dessinée. D’où ce petit côté dubitatif, hein ? Sauf que là, tout n’est que prétexte à un exercice de style parfaitement calibré pour entraîner le lecteur dans un délire d’humour noir. Une œuvre bâtie de faux-semblant : faux comics, faux auteurs, fausses pistes, chausse-trappes à répétition... Le lecteur est entraîné malgré lui dans un tourbillon mettant en scène l'auteur, ses personnages, jusqu'au livre lui-même, dans une succession de mises en abyme facétieuses et réjouissantes. Le tout ponctué par un final grand-guignolesque attendu. Tout est fait pour secouer le pauvre gars qui s’est intéressé à cette BD et bousculer ses repères. De là à penser que Lucy – ou ses rejetons – verrait d’un bon œil qu’un quidam ne trouve jamais la sortie de sa maison hantée…
Porté par un dessin admirable d’efficacité, ce bouquin grotesque et macabre est aussi jubilatoire.
Ah, j’allais oublier : les noms des auteurs sont des pseudos. Les habitués des œuvres dirigées par David Chauvel devraient pouvoir identifier le dessinateur. Quant à celui qui a imaginé cet OVNI, est-ce bien prudent de vouloir le connaître ?
J'ai rarement lu une oeuvre aussi maîtrisée sur le thème de l'ambiance horrifique. Oui, ces petites histoires qui s'enchaînent sont horribles à plus d'un titre. Rien ne sera épargné aux lecteurs malgré un dessin bon enfant. La peur s'installe progressivement mais laisse place à la fin à un brin d'humour. Il suffit de lire une BD pour voir comment se déroule les instants d'après sa propre mort. Bref, il va falloir du courage.
J'ai apprécié ces récits en apparence déconnectés les uns des autres mais qui sont en réalité reliés depuis le début dans une belle mise en abyme. Cette BD reprend tous les codes du genre pour nous offrir une aventure plus que divertissante, presque jouissive. Bref, j'aime me faire surprendre. Cette oeuvre a répondu à toutes les attentes d'un public en quête non seulement d'originalité mais surtout de maîtrise.
De bonnes petites histoires horrifiques qui se rejoignent , se suivent s'entrecroisent.
J'ai moins aimé le dessin mais il se prête bien au but recherché.