V
enise 1499. Alors que la noblesse festoie et s’adonne, sans aucune retenue, aux plaisirs qu’octroie la richesse, d’autres œuvrent dans l’ombre. Le doge Agostin Barbarigo doit conclure avec le légat du Pape un prêt de 200.000 ducats pour défendre la ville et il compte sur les charmes de sa nièce pour corrompre l’homme d’église. Pendant ce temps, un brigand de haut vol fomente l’enlèvement de la jeune femme…
La vénitienne prend comme décor la Venise de la fin du Quattrocento, à une époque où luxe et misère se côtoient sans se mélanger. Bien que République, la cité a su parfaitement se hiérarchiser et si les fêtes sont offertes au bas peuple, c’est pour mieux le manipuler. Au-delà d’une certaine vision de l’organisation sociale de la Sérénissime, Patrice Ordas incrémente cette base narrative de considérations politiques et financières sur l’indépendance de la Lagune et d’une intrigue romanesque des plus violentes. Avec une telle matière, l’affaire s’annonce sous les meilleurs auspices et laisse présager d’heureux instants de lecture. Cependant, une fois l’album refermé, l’impression s’avère un tantinet différente.
Si, dès le début, les personnages prennent une belle consistance psychologique, le scénario ne l’exploite pas à bon escient et verse progressivement dans les clichés. Certes, la situation est complexe, et peut-être l'est-elle même trop ! Entre un marquis sodomite secourant une Constantza nymphomane qui subit les pires outrages avec une abnégation expiatoire, un émissaire du Pape machiavélique qui commerce avec un soudard de la pire espèce, sans parler d’un doge qui se débat dans les arcanes de la politique locale, des étudiants soucieux de s’émanciper et des marins désirant venger leur capitaine, le lecteur - distrait - peut se perdre. Pour renforcer cette profusion cousue de fil blanc, le dessin de Laurent Gnoni, bien que dans l’esprit du récit par ses cadrages et sa composition, n’offre finalement pas l’expressivité et la précision qui auraient accentué le réalisme des situations et donner plus de crédibilité à l’ensemble.
La colombe noire, volet introductif du diptyque, pèche par excès de lieux communs, ce qui ternit quelque peu l’agrément que procure sa lecture.
J'ai eu beaucoup de mal pour venir à bout de ce premier chapitre. La narration n'est guère fluide sans compter l'inondation des dialogues. Certes, nous sommes à Venise mais tout de même !
Je n'ai pas supporté la méchanceté ainsi que la cruauté de l'ensemble des personnages. Il n'y en a pas un pour sauver l'autre. Faut-il obligatoirement un héros ? Certes, non. Mais que des salauds, ce n'est guère mieux. On n'arrive pas alors à s'intéresser à l'intrigue faute de personnages charismatiques ou au moins sympathiques. Bref, il y a un gros manque à ce niveau.
Pour le reste, c'est une banale histoire de rançon. Je retiens qu'il ne faut jamais payer de contrepartie à des terroristes car cela les incite à recommencer de plus belle. Les chefs d'état devraient en prendre de la graine au lieu de parader avec les otages. On constate que le Doge est soumis au même dilemme. Curieux également que ces brigands qui réclament plus qu'on n'en possède.
Tout ne serait pas à jeter concernant cette bd qui avait un certain potentiel mais l'envie n'est pas présente pour continuer l'aventure.