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n mène une petite vie normale, puis une surprenante succession d'incidents (un incendie, une jolie voisine émotive, deux décès, une virée impromptue en Ardèche et la relecture des aventures de Tintin) vous tombe dessus. Au début, on n'y voit que des coïncidences, mais, peu à peu, ça commence à faire gamberger. Ne serait-ce pas une bonne occasion de faire le point sur son existence ?
Pour Le fils du yéti, Didier Tronchet a choisi d'adapter son roman paru originellement aux éditions Flammarion en 2011. Le récit doux-amer à forte teneur autobiographique tourne autour de la relation de l'auteur avec son père prématurément disparu. Le héros – son nom n'est jamais mentionné – tente de reconstruire et comprendre les liens qui le rattachent à cette figure qu'il ne connaît pratiquement que sous forme de photographies. Pour aller de l'avant, il faut connaître ses racines. De plus, peut-on devenir un bon père quand on n'a pas connu le sien ? Le propos, à la fois très personnel et universel, est séduisant malgré un choix narratif un peu lancinant. En effet, le scénario manque cruellement de rythme et, à l'instar de son personnage principal, de caractère. Tout est raconté sur le même ton, autant les bonnes que les mauvaises surprises. Sans être totalement pesante, l'atmosphère générale de l'album n'offre, en définitive, guère d'emprise sur le lecteur.
Même si le trait unique du créateur de Jean-Claude Tergal est immédiatement reconnaissable, le dessinateur a choisi une approche plus épurée qu'à l'habitude. Le dessin en noir et blanc, juste habillé d'un soupçon de fusain, est élégant et d'une grande légèreté. Logiquement centré sur les protagonistes, la mise en page est efficace quoique très dense. Quelques grandes compositions supplémentaires auraient certainement offert des moments de respiration bénéfiques à la narration.
Malgré de nombreuses bonnes idées et une excellente réalisation, Le fils du yéti peine finalement à aller au-delà de l'anecdote personnelle.
Nombre d'ouvrages, écrits par des hommes, sont une quête du père (vivant ou mort, d'ailleurs). Comme une quête de notre histoire personnelle et du renouvellement que notre propre vie représente après la disparition de notre géniteur.
J'ai pu écrire, à l'occasion de mon avis sur "Jack Joseph, soudeur sous-marin", combien ce genre de bouquin pouvait me laisser indifférent, malgré le talent de son auteur.
Ici, Tronchet nous emmène dans l'histoire d'un homme qui ne sait pas qu'il part en quête de son père mais qui le découvre au fur et à mesure de son désarroi et des mauvaises solutions qu'il choisit pour le combattre.
Toujours adepte de l'anti-héros, l'auteur nous régale, avec son humour si particulier, son trait juste et expressif, et sa poésie de la réalité. Toujours les 2 pieds dans le concret, il nous emmène pourtant aux portes du fantasme et de la projection personnelle vers des temps rêvés ou vraiment vécus sans qu'on fasse la part des choses.
Ce fils du Yéti est une vraie bonne surprise, choisie par hasard sur le rayonnage de ma librairie habituelle. Bravo à Tronchet pour cet album !