D
ans un bus, un jeune homme bien de sa personne voudrait lire tranquillement. Il le fait remarquer aux deux blousons noirs, Eddie et Bento, qui font un boucan de tous les diables derrière lui. Évidemment, il n’en fallait pas plus pour déclencher la colère du plus irascible. Un trousseau de clefs en guise de coup de poing américain, et les choses s’enveniment.
Cette scène d’ouverture est importante, dans le sens où elle présente efficacement les deux personnages principaux. On ne parlera pas de héros, ici, mais plutôt de petites frappes qui aiment se la jouer et en remontrer aux gens engoncés dans leur ordinaire. À force, pourtant, ils se frottent à des caïds, des vrais durs à qui on ne la fait pas. Sur leurs traces, le lecteur parcourt les rues de Newark dans les années 60, leurs sombres recoins et leurs clubs mal famés. L’atmosphère s’installe assez vite, pesante, servie par le trait jeté et violent de Brendan Leach. Cette noirceur est la caractéristique première de l’album, en même temps que son meilleur atout. Elle enveloppe les différents protagonistes d’une histoire somme toute classique, mais efficace. Découpage fluide et dialogues saisissants terminent de faire de ce one-shot au format resserré et approprié une réussite formelle incontestable.
Malgré tout, la déception pointe le bout de son nez une fois la dernière page tournée, comme s’il manquait quelque chose, un brin d’originalité ou de folie en plus, pour que cet Iron Bound marque durablement les esprits. Parce que si tout fonctionne et s’enchaîne, il n’en est pas moins vrai que le scénario suit un chemin balisé, entre fuite et attraction vis-à-vis d’un milieu interlope qui fascine autant qu’il effraie. Peut-être est-ce dans la personnalité et l’apparence de Gloria, fiancée de Bento, que se niche l’audace majeure de l’auteur, lui qui l’éloigne avec bonheur du cliché de la petite amie de malfrat. Même si c’est un peu court, disons que c’est déjà ça de pris…
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