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ntre le début des années 80 et la fin des années 90, Foerster a publié dans Fluide Glacial toute une série de petites histoires noires et corrosives. À défaut d’une intégrale, l’éditeur propose ici quelques morceaux choisis et offre un aperçu jubilatoire d'un univers à nul autre pareil.
Les scènes macabres se succèdent ainsi au fil des pages, avec des ingrédients incontournables : un brin d’horreur, une bonne louche de fantastique, de l’humour évidemment très noir et un regard cynique sur l’homme et ses bassesses. L’aspect étrange, voire burlesque des saynètes est d’une importance cruciale, permettant à l’auteur de distordre la réalité pour y faire pénétrer le lecteur. Ainsi, de case en case, le réel se déforme et prend des atours effrayants, tandis qu’on assiste à la fuite en avant des différents "héros". Il y a quelque chose de profondément désespérant dans leurs destins respectifs, et l’espoir fait long feu.
Bien sûr, l’immersion est complète. Et si tout semble fantasmagorique, la crédibilité n’en est pas mise à mal. Le dessin contribue à cette dualité, avec un trait qui se remet de toutes les acrobaties et dépeint des êtres aux faciès contorsionnés. Le résultat est peu reluisant, peu flatteur pour les protagonistes, mais d’un esthétisme assez surprenant. Surtout, il donne naissance à des ambiances marquantes, rendant une sensation d’enfermement, de peur face à un monde inconnu et plongé dans les ténèbres. Et pourtant, l’ensemble n’est pas si oppressant qu’il y paraît. Certaines scènes sont même très drôles, portées par des situations loufoques et un soin particulier apporté aux noms des personnages, parfaitement dans l’esprit Fluide Glacial.
Au final, Certains l’aiment noir est un recueil réjouissant de contes cruels, mais saupoudrés d’un second degré qui sauve l’album et le public de la sinistrose. Une sorte de subtil équilibre entre le comique et le tragique, avec, en maître d’œuvre, un Foerster inventif et sans doute un peu fou.
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