V
enise, 1510. Le milieu artistique apprend avec émoi que Giorgione souffre de la peste qui frappe durement la lagune. Celui-ci jette ses dernières forces dans l’achèvement d’un tableau lui tenant particulièrement à cœur, à la fois testament pictural et hommage au choc esthétique ayant déterminé sa vocation. Une commande clandestine, apprend-t-il à son vieux maître Giovanni Bellini, réalisée secrètement pour sa famille quelques trente-cinq ans plus tôt par Antonello de Messine. L’occasion, pour le patriarche régnant depuis des décennies sur l’école vénitienne, de se remémorer l’impact fulgurant et l’empreinte durable laissée par son concurrent sicilien durant sa brève villégiature dans la Sérénissime.
Giorgione et Antonello : deux peintres majeurs de la Renaissance italienne, tous deux décédés prématurément, à l’œuvre aussi marquante que parcellaire, à la vie nimbée de mystère et tissée de légendes. Une bien opportune liberté, pour un scénariste, de mêler rigueur biographique et intention romanesque, d’ancrer la narration dans un épisode crucial de l’histoire de l’Art tout en y insufflant ce qu’il faut de passions, de drames, de jalousies, d’amours furtives, de petites rivalités ou grandes ambitions, tout ce qui fait le sel des beaux récits. Force est de constater que Jean Dytar réussit parfaitement l’exercice, entrelaçant l’intrigue principale construite autour d’Antonello d’éléments techniques (la camera oscura, la maîtrise de l’huile), de personnages illustres, ou multipliant les clins d’œil aux tableaux célèbres de l’époque. Mais par-delà l’évocation séduisante d’un brillant passé, la grande réussite de l’album demeure ce portrait intime, rude et sans concession bien qu’empreint de tendresse, du Maître de Messine. Ce mélange même qui permît au héros de fixer pour la postérité, sur un petit panneau de bois, l’essence du Condottiere, lors de son séjour vénitien.
Dans son précédent opus (le Sourire des marionnettes), l’auteur empruntait résolument les codes graphiques de la miniature persane ; pour cette Vision de Bacchus, il utilise nombre d’ingrédients (décors, compositions, éclairages, perspectives…) directement puisés chez les peintres du Quattrocento finissant. Le trait reste simple, les contours gras, ombres et reliefs étant modelés par une colorisation douce et subtile. Bien plus recherchées sont les mises en pages, jouant de variations multiples autour de l’austère gaufrier de base, conférant le rythme nécessaire et l’atmosphère adéquate au propos.
Dialogue longuement mûri entre la narration dynamique offerte par la bande dessinée et l’immersion statique procurée par un tableau, reconstitution minutieuse d’une époque faste des Beaux-arts, portraits séduisants de figures artistiques méconnues, voici un ouvrage riche d’enseignements.
La vision de Bacchus est tout simplement un chef d’œuvre à mon sens. Nous sommes justement dans le milieu de la Renaissance italienne avec les tableaux des plus grands maîtres de l’époque (Antonello de Messine, Giorgione, Bellini…). Nous avons un peintre qui se meurt de la peste et qui souhaitait réaliser l’œuvre de sa vie en incarnant la grâce absolue. Il s’agissait de rendre vivant le personnage du tableau à savoir une jeune belle femme dont la nudité évoque le désir charnel. Plus que de l’art, de la passion !
C’est la seconde œuvre de ce jeune auteur qui semble avoir beaucoup de talent. Il nous dépeint une Venise faite de rivalités entre les peintres tels que nous ne l’avons jamais connu. Bref, il apporte un regard plus qu’intéressant. Il y a tout un travail de recherches minutieuses quant aux différents tableaux qui seront évoqués. Cela sera un portrait sans concession qui sera fait. L’envers du décor sera fait de petites tricheries en tout genre comme l’utilisation des miroirs. Il s’agit d’éblouir les mécènes.
J’ai littéralement adoré cette bd. Les dialogues sont parfaitement ciselés. Les cadrages soulignent la beauté des arts dans une ambiance de la Sérénissime presque authentique. Le jeu d’ombres et de lumière atteint un paroxysme presque inégalé dans le processus de création (différentiel entre les toiles en train de se peindre et les toiles achevées). Que dire également de l’intrigue qu’on ne lâchera pas jusqu’à la toute dernière image?
Au final, nous avons droit à une brillante évocation biographique d’un des peintres majeurs de la Renaissance. Bref, une vision de Bacchus qui ne manquera pas de nous enivrer pour de bon.
Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 4.5/5 - Note Globale: 4.25/5
Une très belle lecture qui propose un voyage dans le temps et au cœur des ateliers des peintres. Les couleurs, les dessins et l'histoire sont superbes.
Pour tous ceux qui aiment l'histoire et l'art je ne peux qu'encourager cette lecture !
Que dire...
Une BD historique impliquant des peintres Italiens du XVème siècle dont j’ignorais tout et que je n'aurais probablement jamais ouverte si je n'avais pas assisté à l’exposition guidée (c’est indispensable) de ses planches au dernier BD BOUM de Blois qui s’est achevé en fin d’après-midi.
Une tranche de l’histoire de l’art romancée où l’on retrouve tout ce qui fait le succès d’un drame poignant et aboutit : Passion, amour, ambition, trahison… Rien ne manque à ce récit !
Le scénario est brillamment construit et nous tiens en haleine tout le long des 125 pages. Pas d'action mais peu de répit dû à une animation permanente (quel paradoxe) qui nous scotche littéralement aux cases qui défilent.
Des dessins banals aux premiers abords qui fourmillent de mille détails dès qu’on approfondit la chose.
Que dire de la représentation des tableaux repeints à l’échelle par l’auteur puis incrustés (dixit le guide) dans l’album ?
Que dire des vues de Venise redessinées à partir de gravures datant de l’an 1500 ?
Que dire également des 4 planches (pages 108 à 111) qui balai dans un montage très original le temps qui passe pour 3 des protagonistes ?
Que dire du site de l'auteur Jean DYTAR (http://www.jeandytar.com/la-vision-de-bacchus/presentation-2/) qui éclair d'un nouvel angle le travail qu'il s’est donné pour coller au plus près des œuvres existantes.
Que dire d'autre que chapeau l'artiste ou simplement félicitation ?
Cet album peut se lire et se savourer comme une BD dite "normale", mais pour être apprécié comme il le mérite, il doit être accompagné d’une lecture approfondit du "reportage" web correspondant (voir plus haut) et/ou d’une visite guidée de l’expo (foncez tant qu’il est encore temps). Mais pourquoi diable ne pas avoir publié toutes ces informations en fin d’album ?
Un album à découvrir pour tous les curieux, contemplatifs minutieux ou amateurs de belles histoires, mais aussi par tous les passionnés d’histoire de l’art, de peintres Italiens (Giovanni Bellini, Antonello de Messine…) et de leurs œuvres dont ils repèreront (ou pas) les clins d’œil dissimulés dans les cases.
Je précise que je me fou éperdument de la peinture et de l'art en général (quoi que pour le 9ème... mais aussi le 4ème quand j'y pense, pis le 7ème...et j'oubliais le 8ème...bref je ne m'intéresse pas à la peinture) et ce depuis ma plus tendre enfance. On peut donc apprécié cet album en étant novice en la matière.
Et merci au guide du BD BOUM !
Encore un album atypique qui m'a époustouflé: on est immergé dans la Venise du Quatrocento aux côtés des Grands Maîtres de la peinture tels que Antonello de Messine, Giorgione, Bellini et autre Titien. Le Génie de la Création artistique anime le scénario, avec La Femme comme source intarissable d'inspiration... L'auteur maîtrise avec brio le dessin: jeux de lumière, trait charbonneux et hautement expressif, dialogues épurés auxquels se substituent des scènes d'ambiance de la Sérénissime bien plus éloquentes.
La Bande Dessinée est encore capable aujourd'hui de délivrer d'authentiques chefs d'oeuvres!