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arseille, 1955. Paul Capita, un instituteur passionné de cinéma, ne cesse de mettre en images la vie des travailleurs de sa région. Après de nombreux court-métrages, lui et ses amis de l'association Ciné-Pax, ont décidé de créer un vrai film. Grâce à la générosité des habitants de son quartier et à celle du Parti Communiste, le projet peut voire le jour. Après un très long tournage rocambolesque, la première projection arrive. Celle-ci sera également la dernière : la censure officielle interdit brutalement toute exploitation. Pendant plus de vingt-cinq ans, la pellicule va dormir, oubliée par presque tous, dans un entrepôt. Le rendez-vous des quais sera finalement redécouvert au début des années quatre-vingts et est maintenant considéré comme une œuvre annonciatrice de la Nouvelle Vague. Silence, on tourne. Action !
Le scénario du Printemps des quais comporte tous les ingrédients d'une véritable saga sur fond d'Histoire : un héros ancien résistant engagé dans une « mission », des compagnons dévoués, des alliés aux motivations pas toujours nettes (le PCF aide financièrement Capita, tout en voulant contrôler le message de son « produit final ») et, en méchant de service, les autorités toute puissante. Malheureusement, Pascal Génot et Bruno Pradelle ne réussissent pas à extraire la substantifique moelle de ce matériel. En effet, la narration est particulièrement maladroite. Accumulation sans fin de détails divers, de précisions historiques et de nombreux retours en arrière (et en avant) incongrus rendent la lecture éreintante. Certes, le récit est complet et rigoureux, mais déshumanise complètement les protagonistes tant ceux-ci sont montrés cliniquement. Cette situation est d'autant plus regrettable qu'elle va à l'encontre de la démarche du metteur en scène de montrer les hommes et leur place dans la société. De plus, cette distanciation donne un ton didactique irritant à l'ouvrage.
Aux pinceaux, Olivier Thomas (Dos à la mer) est visiblement habité par son sujet. Une fois passée la plus que discutable couverture, sa reconstitution de la Cité phocéenne, à différentes époques du XXe siècle, se révèle sans faille. Il se joue habilement de la densité des propos grâce à un découpage inventif, parfois complexe, mais toujours d'une grande lisibilité. Les personnages, constamment un peu raides, sont néanmoins très bien rendus. Pour finir, Bruno Pradelle emballe les planches d'une très belle manière grâce à des couleurs posées et équilibrées, même si le soleil méditerranéen se fait timide sur le Vieux Port.
C'est l'histoire d'un film qui a été censuré pendant plus de 30 ans en France car il montrait les conditions de vie des dockers, les manifestations et les grèves ainsi que les CRS qui voulaient mettre fin à ce conflit. Bref, cela a été jugé contraire à l'ordre public.
On suit le parcours de ce réalisateur qui était d'abord un instituteur. C'est clairement militant mais cela montre également les désillusions de certains communistes. N'oublions pas que certains étaient entrés dans la résistance au moment de l'Occupation nazie.
La lecture sera parfois difficile car les auteurs n'ont pas su rendre une fluidité d'ensemble. Trop de faits et de détails certes intéressants avec malheureusement une narration parfois maladroite. Une rigueur qu'il aurait fallu respecter.
Au niveau du dessin, c'est une pure merveille. Marseille n'a jamais été aussi bien dessinée notamment son vieux port. On apprend également la disparition de l'un des plus vieux quartiers de Marseille qui fut dynamité par les allemands en 1943. Il s'agissait du quartier Saint-Jean. Bref, à travers cette chronique, on a l'impression de revivre l'histoire de cette ville. Avant le printemps arabe, il y a eu le printemps des quais dans notre pays.