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etit retour en arrière : la République a besoin de faire couler un autre sang que celui de ses enfants afin de justifier les sacrifices faits en son nom et, au passage, taper sur les calotins (1905 n'est pas très loin). Sœur Isabelle, née Lorraine, donc Allemande, fait une victime expiatoire toute désignée. La fin des Braves Gens laissait planer un espoir de grâce, mais l'ouverture de ce nouveau volume la réduit à néant. Avec un raffinement sadique, le lieutenant Bouteloup a été rappelé du front par Garnier pour examiner la condamnée et constater la mort après le passage du peloton. Il n'aura pas le temps d'exprimer ses émotions, car les blessés de Craonne et du Chemin des Dames nécessitent ses soins. Au même moment, Emilie, la dessinatrice, trouve le moyen de se rapprocher de son carabin, grâce à l'invention de Mme Curie : l'autochir, un laboratoire ambulant équipé du premier appareil de radiologie est affecté auprès de l'Ambulance 13. Et tandis que les coloniaux bouffent de la boue dans la bataille, l'élite de l'aviation sabre le champagne.
« C'est bien fini, c'est pour toujours de cette guerre infâme » : elle couvait dans les précédents tomes, elle germe enfin dans Des Morts sans nom : la révolte face à l'injustice et au désespoir. La tuerie nationale n'en finit plus, les copains crèvent, les salauds sont toujours aussi nuisibles et le jeune héros a du mal à contenir sa colère. Avec le soutien documentaire du Service de Santé des Armées, Ordas, Cothias et Mounier reconstituent minutieusement la France de 14-18 avec ses castes, son idéologie, sa culture et ses modes de pensées, et évitent l'écueil de l'anachronisme mental. À travers les péripéties d'une équipe d'infirmiers, c'est une immersion totale au sein des tranchées qui s'offre aux lecteurs. Sans pathos ni jugement décalé, le conflit est vu à travers les yeux de ceux qui naviguent entre l'arrière et le no man's land. Bien rythmée, avec une tension soutenue qui prend aux tripes et des personnages hauts en couleurs, l'Ambulance 13 suscite très vite l'addiction. Comment ne pas faire corps derrière Bouteloup, l'archétype du juste, ne pas s'attacher au chef Bolet, le curé en armes, à Saucisse « promotion boucherie » et aux autres, comment ne pas haïr Garnier, le prototype de l'ordure galonnée et obtuse ? Esquissés en quelques cases, même les figurants ont une histoire. Ce quatrième volume prend une tournure magique et exotique avec la mise en scène des troupes venues d'Afrique et le bref passage de Thiam, le griot. Le choix graphique d'une ligne claire facilite la lecture sans gommer l'horreur des chairs déchiquetées. Ultime raffinement du détail, la dernière phrase résume avec fracas la tragédie des poilus.
Il est dommage que ce double diptyque n'ait pas autant de visibilité que d'autres réalisations sur le même thème(Notre mère la Guerre ou Putain de Guerre), car l'Ambulance 13 a toute les qualités d'une grande. On en redemande
lien vers la chronique du T1
C’est un album très dur avec l’exécution d’Isabelle de Ferlon dont on ne saura jamais très bien quel était son jeu. Normalement, dans le doute abstiens-toi, mais ici dans le doute élimine. Puis, viens l’épisode où la soldatesque africaine, engagée de force, sera sacrifiée sans aucun remord et, à l’exception de quelques-uns, avec beaucoup de mépris.
Un dessin superbe nous renvoie des images de guerre très fortes et les albums s’enchaînent avec la même qualité.
Fin de ce second cycle.
Aucun répit dans cet album, c'est le moins que l'on puisse dire.
La Guerre est telle qu'on l'imagine : avec ses injustices, son sang qui coule inexorablement, ses soldats qui se battent, qui meurent, pour une nation qui ne leur accorde rien. Pas même une once de dignité...
C'est un album très dur. Les héros auxquels nous nous étions attachés tombent tous un par un... Sauf Bouteloup qui enchaîne les pertes avec un sang-froid glacial...
De ce fait, en terminant cet album, j'ai senti comme un malaise, celui d'avoir pris toutes ces horreurs en pleine face sans pour autant ressentir l'émotion qui devrait en découler...
C'est comme si tout ceci était "normal". Que de toutes façons, c'est la Guerre et que forcément tout y est dégueulasse, horrible, irréparable & qu'on ne peut que s'y résoudre...
Est-ce parce que cette histoire est vécue sous l’œil de Bouteloup qui reste, malgré tout, un homme ne laissant pas transparaitre ses émotions ? Car si ce dernier n'a aucun problème pour se révolter contre la hiérarchie, on le sent également presque "intouchable" face à la faucheuse toujours présente autour de lui & donc de ses compagnons...
Ceci n'enlève toutefois en rien la qualité de cette histoire, qui nous transporte, nous immerge complètement dans le cœur de ce dramatique conflit.
Je mets en exergue l'importance de l'Autochir mais aussi l'issue réservée aux soldats africains : le fait pour moi le plus marquant (et pourri...) de ce tome.
MM. Cothias, Ordas & Mounier ainsi que S. Bouët à la couleur nous gratifient d'une série intense & dont la crédibilité est à louer grâce à un indéniable travail de recherches ! Merci à vous !
Peut-être que si un troisième cycle voit le jour, on verra notre héros principal percer sa carapace ? ça lui ferait du bien & à nous, lecteurs, aussi ! :)
Ces 2 diptyques nous transportent sur les épouvantables champs de bataille de la boucherie de 14/18 avec brio. Ce jeune médecin, humaniste et compétent est confronté au quotidien à la barbarie et à la folie des hommes, mise en image et en couleur avec maestria. Superbe série.
Du grand art : le scénario et le dessin sont au même niveau et on a l'impression de lire un livre d'histoire ou l'article d'un journaliste de guerre plongé au cœur de l'évènement. Des personnages forts, mais hélas guère caricaturaux.
Une suite ?
J'attendais ce Tome 4 avec impatience... je n'ai pas été déçu... Je l'ai dévoré. Le scénario est toujours aussi haletant, des dessins au trait juste.
Vivement la suite...