1964. Trois ans après la construction du mur de Berlin, des jeunes gens décident de creuser un tunnel entre les parties ouest et est afin d’exfiltrer une fiancée, une sœur, une cousine… Long de cent quarante mètres, le boyau souterrain permettra à cinquante sept personnes de gagner la zone libre.
Avec Tunnel 57, point d’épopée mettant en valeur les capacités hors du commun de personnages hauts en couleurs. Il ne s’agit pas de dépeindre des êtres parvenant à affronter n’importe quelle situation grâce à leur talent martial, leur ingéniosité technique ou scientifique ou encore leur sens de l’observation et d’analyse. Olivier Jouvray dépeint des anonymes qui ont vu leur vie bouleversée par l’édification du « mur de la honte » et qui ne peuvent plus le supporter. Si le scénariste cible particulièrement un individu, ce n’est pas pour en faire un héros mais plutôt le symbole de ces « sans nom » qui choisissent de prendre tous les risques pour sauver un ou plusieurs membres de leur famille. Il s’attache à décrire l’état d’esprit de ces amateurs affrontant les dangers inhérents au montage d’un tel ouvrage par des apprentis sorciers, devant déjouer la surveillance exercée par les policiers est-allemands du haut de leurs miradors et ne sachant pas où ils vont déboucher.
Tout en atmosphère, ce récit bénéficie du très beau travail de Nicolas Brachet au dessin et d’Anne-Claire Jouvray à la couleur. L’alchimie s’opère entre le trait délicat et « crayonné » du premier et les choix habiles de la seconde sur des nuances de gris, créant un grain particulier et très agréable aux planches. C’est simple, épuré et terriblement efficace.
Un témoignage réussi et, pour une fois, personne ne pourra dire que c’est "trop gros" pour être crédible.
Le mur de Berlin a rarement été évoqué dans la bande dessinée de manière aussi détaillée. On voit véritablement la configuration des lieux afin de comprendre la construction de ce tunnel reliant les deux Allemagne afin de permettre une évasion de famille. Il faut dire qu’il ne fait pas bon vivre dans la RDA de 1964. Le rêve communiste a bien vite déchanté face à la réussite du capitalisme. C’est clair que ce dernier système n’est pas parfait car il génère également de la pauvreté mais dans une moindre mesure par rapport à l’autre.
J’ai bien aimé cette histoire où un frère vivant à Berlin Ouest essaye de faire passer sa sœur qui semble dépérir à l’Est. Or, il va falloir convaincre le père, un coco de la première heure qui croit fermement à son système face à l’Occident. Et puis, et surtout, il va falloir creuser un tunnel de 145 mètres de long après les cours à l’université sans attirer l’attention de la Stasi et de ses agents infiltrés. C’est inspiré de faits réels. Le récit est suffisamment crédible. Les problèmes techniques rencontrés seront abordés.
On pourra le cas échéant regretter que le récit soit trop linéaire en manquant un peu d’imagination. Cependant, cette simplicité réussit plutôt à cette œuvre qui gagne en densité. Pour moi, c’est l’un des meilleurs titres de la collection depuis Fatman.